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les bombyx du mûrier (bombyx mori) mentionnés par Majoli, dont le thorax et l’abdomen ressemblaient à ceux d’un ver à soie, et surtout cette noctuelle minutieusement décrite par O.-F. Müller, dont le corps tout entier était d’un papillon, mais qui avait conservé sa tête de chenille. Ici il est bien évident que l’arrêt de développement, cause immédiate de la monstruosité, s’est prononcé au moment même où l’animal passait de l’état de larve à un état supérieur.

Ainsi, pour nous, la larve, la nymphe et l’animal parfait ne sont qu’un même être, au même titre que l’embryon, le fœtus et le jeune des mammifères. Pour Réaumur, la larve et l’insecte sont deux êtres distincts, dont le premier renferme et nourrit le second à peu près comme la mère porte son fruit. A l’appui de sa théorie, l’illustre observateur invoquait le résultat des dissections de Swammerdam et les siennes propres. Ouvrez, disait-il, la peau d’une chenille deux ou trois jours avant sa transformation en chrysalide, et vous distinguerez les antennes, les ailes, la trompe du papillon; coupez à cette même chenille une de ses pattes écailleuses, et le papillon sera mutilé. Ces faits sont vrais, nous l’avons déjà dit; mais là où Réaumur voyait des témoignages en faveur de l’évolution, nous trouvons, nous, la preuve de ce développement par épigénèse que nous avons rencontré partout chez les mammifères. Réaumur, obligé de reconnaître que, dans les chenilles moins avancées, on ne voit rien qui rappelle les organes caractéristiques du papillon, s’en prenait à la faiblesse de ses sens, à l’impuissance de ses instrumens. Grâce aux moyens d’observation perfectionnés dont nous disposons aujourd’hui, nous pouvons affirmer que dans la jeune chenille il n’existe ni ailes, ni antennes, ni trompes; mais en même temps les observations de nos devanciers nous apprennent que ces organes n’apparaissent pas tout à coup, que les changemens les plus brusques sont préparés de longue main, et que, chez les insectes comme chez tous les autres animaux à métamorphoses dont nous avons parlé, ce phénomène est graduel et progressif. Seulement ce qui se passe au grand jour chez les mollusques et les vers, comme chez les batraciens et les crustacés, se fait chez les insectes derrière un voile qui se déchire et tombe quand tout «st terminé. Encore dans cette dernière classe les hémiptères, les orthoptères nous montrent-ils dans leurs métamorphoses cette continuité manifeste que nous trouvons partout ailleurs.

Les phénomènes qui se rattachent immédiatement à la nature intime des êtres sont placés trop au-delà du savoir humain pour que nous hasardions même une hypothèse sur la cause première des métamorphoses; mais, sans sortir des bornes d’une juste réserve, nous