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on assigna les postes à l’armée, on réunit les officiers-généraux et l’artillerie au camp, où tout fut rendu successivement malgré les neiges et les glaces dont la terre était chargée. C’est le front situé entre les portes d’Anzin et de Tournay qui avait été choisi pour l’attaque[1]. Le roi fit son entrée au camp le jeudi 4 mars. « Les courtisans, écrit Pélisson le 9, ont beaucoup souffert durant ces quatre ou cinq derniers jours, pas un n’ayant équipage, et le roy estant réduit lui-même à son simple carrosse pour lit. Les équipages commencèrent d’arriver hier, et l’abondance viendra peu à peu au camp, où déjà l’on ne manque ni de pain ni de fourrages… Le froid est très rude ; on en a souffert particulièrement pendant deux nuits… Ceux qui ont accoutumé d’être en faction depuis trente ans disent n’avoir jamais vu rien de pareil. Le roy a très grand soin des soldats. Les courtisans font du mieux qu’ils peuvent à l’aide des fourrures et du feu. On applique partout des cheminées aux tentes, et l’on fait des écuries de paille et de boue pour les chevaux qu’on est absolument obligé de garder. »

Parmi les incidens de ces premiers jours du siège, il en est un fort honorable pour le nom de Nicolaï, que je me fais un plaisir de rapporter ici, d’autant que je ne le crois guère connu. Dans les rangs des mousquetaires, qui briguaient tous l’honneur de marcher à l’attaque des dehors de la place, figurait avec distinction Jean-Aimar de Nicolaï, fils de Nicolas de Nicolaï, premier président de la chambre des comptes, office des plus brillans et fort envié à cette époque. Le fils aîné du premier président, qui avait la survivance de l’office, venait de mourir à Paris ; c’était le frère du mousquetaire. Le roi apprend la nouvelle de cette mort et fait appeler le jeune

    grade de brigadiers de cavalerie. Le roi promut en outre au grade de brigadiers d’infanterie les marquis de Nesle, d’Uxelles, de La Pierre, de Souvray ; MM. de Ville-Chauvre, de Varennes, de Saint-André, de Phisfer, de Catinat, de Chimène et de Marans.

    On lisait à ce propos dans le Mercure galant : « Tous ceux qui doivent remplir cette année ces grands emplois ayant esté nommés, le roy alla coucher à Compiègne le dernier jour de février. M. de Louvois estait party deux jours auparavant comme un éclair qui devance la foudre. On n’a jamais veu une activité pareille à la sienne, et il conduit avec tant de prudence toutes les choses qu’il entreprend, qu’il ne faut pas s’étonner si le succès en est toujours si heureux. Sa grande application aux affaires, son extraordinaire prévoyance et ses soins continuels ont fait fleurir, pour les armées du roy seulement, les mois de may et de juin dès la fin de février. Cinquante mille hommes de cavalerie et d’infanterie ont trouvé toutes sortes de provisions, et surtout des fourrages, dans une saison peu avancée, dans un païs ruiné et sur des terres encore couvertes de neige. »

  1. J’ai sous les yeux une carte du siège, faite à la main et de l’époque, qu’a bien voulu me communiquer M. Dinaux de Valenciennes, le savant directeur des archives du Nord. Elle donne parfaitement idée des travaux de l’armée du roi. On choisit pour le front d’attaque celui d’Anzin, du côté de l’ouest et de la route de Douai : c’était le plus fort, mais le plus accessible.