Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/1083

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec le moins d’efforts, est pourtant l’écriture qui a cédé la dernière aux tentatives de la science. On en était encore à quelques essais ingénieux, mais imparfaits et par suite impuissans, lorsqu’un jeune égyptologue de Berlin, M. Henri Brugsch, publia en 1848 un travail qui a jeté définitivement les bases de la lecture du démotique<ref> Tout récemment M. Brugsch a publié une Grammaire démotique complète qui est un digne pendant de la Grammaire de Champollion. </<ref>. Cette écriture n’a point du reste l’unité qu’on lui supposait. Elle renferme plusieurs systèmes de notation cursive, et elle a subi l’influence des altérations de la langue populaire suivant les temps et suivant les lieux. Déjà Champollion avait constaté que le démotique était une dégénérescence de l’écriture hiératique, dans laquelle les caractères, tant phonétiques que symboliques, s’étaient simplifiés de plus en plus par l’usage journalier, jusqu’à perdre souvent la trace de leurs formes originaires. Ajoutons, avec M. de Rougé, que la simplification des signes idéographiques introduisant nécessairement de l’obscurité dans l’écriture, l’usage de ces caractères se restreignit chaque jour, et le phonétisme, autrement dit l’alphabétisme, fit de nouveaux progrès. Ce qui acheva de les accélérer, c’est que, certains mots antiques tombant en désuétude, l’idée que ces mots exprimaient ne put désormais être rendue dans l’écriture par leur symbole abrégé : il fallut donc avoir recours-au mot moderne, que l’on écrivit naturellement avec des lettres alphabétiques.

Il s’agissait de lire les groupes démotiques et de rendre compte de leurs élémens, de telle sorte que chaque caractère, retrouvé ailleurs, jouât dans le nouveau groupe un rôle logiquement semblable à celui qu’on avait une première fois constaté. C’est à quoi M. Brugsch est souvent parvenu. Il a reconnu les signes phonétiques et les signes hiératiques. M. de Rougé a mis en évidence l’usage des signes mixtes et complété lui-même les découvertes du jeune Berlinois. Depuis, M. Brugsch a pris un rang distingué parmi les égyptologues ; il s’est fait connaître par le catalogue du musée égyptien de Berlin, et il est allé, sur les traces de M. Lepsius, visiter l’Égypte, dont M. Mariette fouillait alors si heureusement le sol. La relation de son voyage a été récemment publiée ; mais c’est dans la voie du démotique qu’il est appelé à de nouveaux succès. La célèbre inscription démotique de Philès, qui avait exercé la sagacité de M. de Saulcy, a été de sa part l’objet d’une étude particulière. Plus récemment, un papyrus de la collection Minutoli, également écrit en démotique, lui a fourni l’occasion de confirmer les déterminations auxquelles M. de Rougé avait été conduit par l’étude intrinsèque des textes hiéroglyphiques et hiératiques. Ce papyrus, qui renferme une énumération de tombeaux de famille indiquant le nom, la provenance, la parenté, l’état et l’habitation de leurs possesseurs futurs, est un nouveau texte bilingue que l’antiquité nous a légué, car il est accompagné d’une traduction grecque.

Les fouilles du Sérapéum, qui ont mis le Louvre en possession de plus de cent cinquante textes démotiques, dix fois plus que n’en possédaient tous les musées de l’Europe, promettent à l’étude de cette troisième écriture