Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Nord. Le nombre de ces îles a diminué environ d’un tiers depuis le temps de Pline, car ce naturaliste en comptait vingt-trois entre le Texel et l’Eider, tandis que nous n’en comptons plus maintenant que seize. Encore ces îles ne sont-elles que les ruines d’une ruine. L’an 800, Héligoland, situé à l’embouchure de l’Elbe, commença d’être tourmenté par les vagues ; dans les années 1300, 1500 et 1649, d’autres parties de terres furent abîmées, jusqu’au moment où enfin un seul débris de l’île originelle restât debout. Un rocher de marne rouge, haut environ de deux cents pieds, est là qui surnage au désastre, comme un de ces grands chênes qui survivent aux forêts disparues.

Pour être juste envers l’Océan, nous devons placer, en face, de cette sombre liste de villes détruites, noyées, de villages perdus, de régions entières supprimées, le tableau plus consolant des restitutions de la mer. Aux grandes destructions de terres succède généralement une réaction sur une certaine échelle. Entre Anvers et Nieuport s’étend une contrée basse qui consistait, du temps des Romains, en bois, marais, tourbières ; et qui était protégée contre l’Océan par une chaîne de dunes ; cette chaîne céda, vers le Ve siècle, à la fureur des tempêtes. De mer qu’elle était devenue par suite de l’irruption des eaux, cette contrée est aujourd’hui terre ferme et supporte une assez nombreuse population. Il est vrai que ce changement est dû, en partie du moins, à l’industrie et au courage des habitans, qui ont su profiler des bancs de sable déposés par la mer pour reprendre, en quelque sorte pied à pied, le sol que la mer leur avait enlevé. Le même fait s’est reproduit dans le Bieibosch ; là aussi l’eau a rendu une partie des terres qu’elle avait ravies. L’emplacement des villages submergés est indiqué maintenant par des terrains d’alluvion qui s’élèvent peu à peu. D’immenses plaines, portant déjà d’abondantes moissons de grains, ont pour ainsi dire oublié que là fut la mer. La vue de ces anciennes terre ; déchiquetées par l’eau et aujourd’hui renaissantes est un des spectacles les plus faits pour dévoiler la marche de la nature, qui crée avec la destruction même. L’eau débordée, furieuse, dépose avec le temps sur le théâtre de l’inondation le contre-poids de ses conquêtes et de ses violences. Par le mouvement naturel des choses, il se forme de siècle en siècle des bancs de sable que recouvre un limon fertile : ainsi la terre, envahie, vaincue, engloutie, se relève à la longue et se fortifie en quelque sorte de ses défaites.

Intéressante au point de vue de la géographie et de l’histoire, la formation de la Hollande ne l’est pas moins au point de vue de la géologie philosophique. Les savans se sont plus d’une fois demandé si les lois en activité sur le globe, durant l’âge embryonnaire de