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notre planète, différaient beaucoup de celles qui déterminent l’économie actuelle de la nature. La réponse à cette question est peut-être dans l’histoire physique, ou, si l’on peut s’exprimer ainsi, dans la genèse de la Hollande. Il n’y a pas deux systèmes dans la nature, il n’y a pas une géologie morte et une géologie vivante : partout où les causes neptuniennes ont agi dans les âges les plus reculés du globe, elles ont dû agir comme elles se comportent depuis les temps historiques sur le sol des Pays-Bas. Le duel de la terre et de la mer, qui joue dans les cosmogonies antiques un si grand rôle, se prolonge ici et amène les mêmes conséquences, — des déluges, des catastrophes, des changemens dans la forme du delta. L’Océan se retire de certaines côtes pour en occuper d’autres, rendant quelquefois ce qu’il a saisi, et saisissant de nouveau ce qu’il a lâché, sans que la loi de ces mouvemens soit encore parfaitement connue. À ce point de vue, l’histoire géographique de la Hollande est, en partie du moins, le secret de la création révélé. L’ensemble des événemens auxquels le sol néerlandais doit sa naissance, les variations qu’il a subies, nous mettent en effet sur la voie des causes qui ont plusieurs fois modifié et qui peuvent modifier encore la constitution physique de notre univers.

Quelques faits récens prouvent que l’Océan n’a pas renoncé à ses prétentions sur la Hollande. Le 4 février 1825, la mer se souleva ; les eaux coururent dans l’Over-Yssel, dans la Frise, dans la Nord-Hollande et dans la Gueldre. Cette inondation gigantesque fut, il est vrai, de courte durée : elle se retira avec le reflux, mais en laissant derrière elle le sentiment du danger qu’avaient couru les Pays-Bas. À la vue de cette contrée que menace le niveau des fleuves, que secouent les vents, qu’accablent de tout leur poids les marées, on aurait lieu de craindre pour le sol de la Hollande, pour ses richesses, pour son existence même, si dans cette lutte n’intervenait un agent d’un ordre nouveau, une force morale qui fit contre-poids aux puissances aveugles de destruction. Cette force existe : jusqu’ici nous avons vu le travail de la nature ; il nous reste à parler des changemens introduits dans la forme géographique des Pays-Bas par la main de l’homme.


III

Lorsque les premiers habitans arrivèrent sur le sol de la Néerlande, que trouvèrent ils ? Un marais. — Heureusement ces anciens pionniers étaient les Bataves et les Frisons : les Bataves appartenaient à la race saxonne, race patiente et forte contre les choses, née pour la conquête du sol ; les Frisons, d’origine orientale, étaient une