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venir en aide aux insurgés mexicains. Il serait difficile sans doute de démêler les élémens véritables de cette vaste insurrection. Au fond, c’est l’anarchie d’un peuple inhabile à vivre. Il y a les mécontentemens provoqués par le gouvernement dictatorial du général Santa-Anna ; il y a cette révolte permanente de la race indienne contre la race espagnole. Une portion du bas clergé, froissée par une réforme qui l’atteint dans ses intérêts, n’est point même complètement étrangère, dit-on, à ces mouvemens. Au milieu de tous ces dangers qui ne font que s’accroître, qu’a fait le général Santa-Anna ? Il a envoyé périodiquement des corps d’armée sur les points les plus menacés, il a marché lui-même à diverses reprises contre les insurgés, puis il rentrait bientôt à Mexico en triomphateur, au milieu des ovations, ce qui n’empêchait pas la révolution de suivre son cours. Le général Santa-Anna, menacé par la révolte armée, a essayé d’un autre remède pour conjurer les mécontentemens. Il y a quelques mois déjà, il se montrait préoccupé de consulter le vœu populaire. Il chargeait donc le conseil d’état de préparer un projet de vote à soumettre au peuple. Le vote portait sur ces deux points : le président actuel de la république devait-il continuer d’exercer le pouvoir suprême avec les facultés extraordinaires qui lui ont été accordées ? Au cas où il ne continuerait pas à exercer le pouvoir, à qui devrait-il le remettre ? — La réponse, on le pense, fut à peu près unanime en faveur de Santa-Anna, d’autant plus qu’on ne se fût pas hasardé à voter autrement.

Cette unanime manifestation du scrutin populaire n’était point de nature à donner au gouvernement une grande force réelle, et les progrès de la révolution ont conduit le général Santa-Anna à faire un pas de plus. Le dictateur mexicain a de nouveau convoqué tout récemment le conseil d’état, et une fois encore il l’a chargé d’examiner si le moment était venu de donner une constitution au Mexique, quelle serait l’autorité qui devrait donner cette loi fondamentale, quelle forme politique il faudrait adopter. Le conseil d’état a répondu que le Mexique avait en effet besoin d’une constitution, que le général Santa-Anna avait les pouvoirs suffisans pour la faire, et que dans tous les cas il pourrait se faire aider dans cette œuvre importante par des délégués des départemens. On peut douter que ces expédiens soient très efficaces. Le danger du gouvernement mexicain ne naît pas de l’absence d’une constitution, il vient de ce que toutes les populations sont démoralisées, de ce que le mécontentement gagne l’armée elle-même, de ce que le trésor est parfaitement vide, sans qu’il y ait aucun moyen de pourvoir aux nécessités les plus urgentes. Il n’y a qu’une chance favorable pour le général Santa-Anna, c’est que l’insurrection actuelle n’a aucun chef de quelque influence dans le pays, et c’est ce qui fait que cette révolution se prolonge sans se laisser vaincre et sans triompher à son tour. Pour comble, et comme s’il n’y avait point assez de cette anarchie intérieure, les Américains interviennent à leur tour, et le Mexique est menacé d’une rupture avec les États-Unis. Le cabinet de Mexico a expulsé de son territoire deux Américains, dont l’un est M. Soulé en personne, l’ancien représentant de l’Union à Madrid ; il se fonde sur les connivences des Américains avec l’insurrection et sur les intrigues présumées de M. Soulé. Le ministre des États-Unis à Mexico a protesté contre cette expulsion et en a référé à son gouvernement, tandis que le général Santa-Anna expédiait un ambassadeur à Washington. Quelque grave que