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lieu tout d’une pièce et sans soubresauts, les mouvemens du sol n’ont rien de bien dangereux, mais c’est surtout aux extrémités des continens, aux limites de la terre et de la mer, que la continuité est interrompue et que la même cause d’empilement qui a maintenu ces localités au-dessus de la mer les agite plus ensuite que tous les autres points. Telle est l’explication de l’influence du voisinage de la mer, laquelle est ici fort innocente des désastres dus à la mobilité du sol et à l’état brisé des couches amoncelées sur les rivages. Ces jours derniers, on a observé quelques légères oscillations au Havre, et au XVIIIe siècle, la ville de Honfleur, qui est en face du Havre, fut effrayée par les roulemens d’un tonnerre souterrain, qui du reste ne fut accompagné d’aucun tremblement de terre.

Ces bruits souterrains, ruidos, ont toujours causé beaucoup de frayeur aux habitans des localités où ils ont été entendus, et ils n’ont pas moins exercé la sagacité des physiciens, qui se croient obligés de tout expliquer dans la nature. Le flottement des continens sur un noyau fondu et liquide nous en donnera une très plausible raison. Si, dans les mers glacées du pôle, où flotte ce qu’on appelle si justement des champs de glace, un courant inférieur passe sans entraîner les blocs à demi soudés qui hérissent la surface de la mer polaire, alors ce courant qui passe au-dessous, entraînant avec lui des masses submergées, les fait heurter contre les blocs supérieurs et produit d’effroyables retentissemens, de véritables explosions de chocs réitérés, qui doivent avoir leurs analogues dans les déplacemens du fluide intérieur du globe entraînant avec lui des débris de continens submergés, qui heurtent aussi en dessous la masse qui porte nos villes et nos campagnes comme le fond déprimé du bassin des mers.

Mais de toutes les manifestations du feu central, la plus indubitable, c’est l’action des volcans, dont la terre est à la lettre criblée, du moins quand on met en ligne de compte, non-seulement ceux qui ont fait éruption depuis les âges historiques, mais encore ceux dont l’existence est mise hors de doute par les produits ordinaires des volcans, savoir des épanchemens de lave, des basaltes, des sables volcaniques et toutes les roches dont l’origine ignée n’est pas douteuse. Bien plus, dans les couches relevées des hautes montagnes, on reconnaît des laves qui, dans une période antérieure à la nôtre, avaient pénétré au travers de l’écorce d’alors de notre globe, et qui depuis ont été soulevées, disloquées, inclinées avec les couches qu’elles avaient pénétrées antérieurement. — Mais, dira-t-on, en admettant une rupture dans une plaine continentale, une crevasse, une fente dans le terrain et qui pénètre au travers, comment les matériaux en fusion du noyau central nous arriveront-ils ?

D’abord je remarquerai que la disposition des volcans sur le globe est précisément d’accord avec cette idée de fissure longitudinale s’étendant en longue ligne droite ou sinueuse. Tous les volcans du monde sont ainsi alignés par séries nombreuses qui suivent les lignes de brisement de la croûte du globe, soit le long du faite, soit le long de l’enfoncement qui constitue la rupture des couches primitives. Tels sont les volcans d’Auvergne, prolongés le long de l’arête saillante de la France centrale du nord au sud. Telle est surtout la formidable ligne volcanique qui suit les sommets de la Cordillère américaine de l’ouest, le long des côtes occidentales, depuis la Californie