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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/1128

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n’était point en proportion de l’accroissement de la quantité du gaz : il y avait donc contrebalancement de la force élastique de ce dernier. Dans les expériences déjà citées de M. Cagniard de la Tour, la force des vapeurs compactes produites dans les appareils n’était point en proportion avec la grande condensation de ces espèces de liquides élastiques. Il faut donc renoncer à toute cette belle théorie d’Aristote, qui faisait des gaz et des vapeurs renfermés dans la terre l’agent des tremblemens de terre et des soulèvemens partiels de terrain. « Il y a, dit Ovide, près de Trézène une colline élevée et sans arbres dont l’origine est due à la force des vents, qui, renfermés dans le sein de la terre et essayant de se faire jour sans succès, ont renflé la terre de la plaine comme le souffle de l’homme fait bomber une outre. La terre s’est ensuite endurcie dans sa nouvelle forme, et nous présente l’aspect d’une haute colline. » On peut voir dans les admirables observations de M. de Humboldt des faits presque contemporains tout semblables à ceux qu’Ovide place à côté du nom de Thésée. Aujourd’hui le géologue qui peut dire avec Racine :

A peine nous sortions des portes de Trézène


ne manque pas de réciter les vers d’Ovide et de penser aux voyages de M. de Humboldt.

Laissons la vapeur d’eau produire les effets qui sont dans sa nature, entraîner nos wagons sur les voies ferrées avec la rapidité des chevaux de course lancés à fond de train sous le poids de maigres jockeys adroitement identifiés avec l’animal qu’ils guident, et faisant un kilomètre et demi par minute. Laissons cette vapeur dans les geysers de l’Islande soulever des colonnes d’eau plus que bouillante, de cent mètres de hauteur. Laissons Joseph Banks et ses compagnons faire cuire leurs pièces de viande et leurs poissons à ces calorifères infernaux, au risque d’éclaboussures fort malsaines et impossibles à prévenir. Pour mouvoir des continens, il faut d’autres forces que celles de la vapeur d’eau et de toutes les vapeurs connues. Il faut la réaction du feu central, du gaz central, pour ébranler la surface actuelle de la terre au point d’encroûtement où elle est aujourd’hui parvenue. Quand on veut entraîner une voiture, il ne faut pas y atteler un chien ; quand on veut faire courir un train de wagons, il ne faut pas y atteler un cheval ; quand on veut mouvoir des continens de soixante kilomètres d’épaisseur, il ne faut pas y faire travailler la force insuffisante de la vapeur.

La croûte ou écorce du globe terrestre, épaissie par un refroidissement de plusieurs millions de siècles, offre aujourd’hui une assiette solide aux habitans de la terre et des mers. Cependant, comme l’état actuel a été précédé de rechutes nombreuses à mesure que le noyau du globe allait en se refroidissant et en se réduisant de volume, beaucoup de fragmens de terrain solide mal agrégés entre eux menacent ruine quand les agens mécaniques viennent les ébranler dans l’état incertain d’équilibre où ils ont été amenés depuis longtemps. En un mot, tous ceux auxquels la stabilité a manqué sont retombés sur le noyau central, et tous ceux qui étaient un peu plus solides menacent ruine aujourd’hui. Les premiers se sont enfoncés hier, les autres crouleront demain.

Lorsque la rechute des masses continentales vers le centre de la terre a