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sur les deux hypothèses qui ont voulu expliquer la constitution de la matière : ou bien elle est divisible à l’infini, ou bien elle se compose de petites masses élémentaires qui ne peuvent être partagées, qui se placent à des distances déterminées les unes des autres, et forment par leur réunion des agglomérations, des masses étendues, pesantes et visibles, et qui sont les corps matériels. Entre ces deux hypothèses, il était impossible de choisir tant que les réactions chimiques étaient inconnues, mais il n’en est plus ainsi depuis que les lois des combinaisons ont été observées ; nous accepterons celle des deux qui expliquera ces lois, nous refuserons celle qui ne pourra pas les prévoir.

Il n’est pas nécessaire de réfléchir pendant longtemps pour voir que si la matière de l’hydrogène et celle de l’oxygène formaient un ensemble continu dans lequel on ne trouvât aucun centre moléculaire, il ne pourrait se former entre elles que des mélanges intimes, et non des combinaisons ; elles se pénétreraient mutuellement sans perdre leurs caractères propres ; on ne comprendrait ni les commotions qui signalent la combustion, ni les transformations des propriétés des élémens, ni surtout la constance des proportions qui règle leur réunion. Toutes ces actions se présentent au contraire comme des nécessités quand on admet l’hypothèse des atonies. L’oxygène et l’hydrogène pourront d’abord se mêler mécaniquement entre eux, les atomes de l’un s’introduiront entre les atomes de l’autre, sans perdre leurs caractères spéciaux, leurs réactions particulières, et le corps qui résultera de cette pénétration mutuelle aura à la fois les propriétés des deux gaz qui le constitueront. On trouverait un exemple grossier de cette espèce d’action en versant dans un vase deux espèces de sable, la première teinte en jaune, la deuxième en rouge ; les grains diversement colorés se mêleraient sans se confondre, et, par un triage patient, il ne serait pas impossible de séparer les uns des autres. On comprend donc qu’entre deux gaz divers des mélanges peuvent se former et se perpétuer sans altération ; mais on conçoit également qu’ils peuvent se transformer en combinaisons. On conçoit que les molécules des deux gaz, jusque-là disséminées et indépendantes, puissent, sous des influences encore inexpliquées, mais reconnues, s’attirer, se rapprocher, se réunir deux à deux, et enfin se souder l’une à l’autre pour ne plus former qu’un centre matériel dont l’existence persistera. Il n’y aura plus alors d’atonies d’oxygène ou d’hydrogène, il y aura « les groupes de molécules assemblées deux à deux ; les deux gaz élémentaires auront cessé d’exister, et un nouveau corps les remplacera, qui sera aussi formé d’atomes, mais d’atomes qui ne seront plus simples ; tant qu’ils persisteront, le composé durera ; quand ils se réduiront dans leurs élémens, le composé reproduira les corps qui l’avaient constitué.