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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/869

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« Ainsi j’ai commencé, mais toujours dans un misérable état de détresse comme à l’ordinaire. J’avais à envoyer de l’argent à mon fils à Cambridge, et je me suis mis en course (pour emprunter) avec les angoisses d’un accusé. »


Disons, entre parenthèses, qu’il avait toujours répugné à faire des portraits ou de petits tableaux, parce que, dans ses idées, ce n’était pas là de la grande peinture. Les lignes qui suivent font allusion à cette répugnance.


« Ne vaut-il pas mieux peindre des choses à 125 francs la pièce que d’endurer plus longtemps ce martyre ? Certainement, cela vaut mieux, et si l’enjeu du concours ne réussit pas, j’étonnerai mes amis par la facilité avec laquelle je me mettrai à faire du métier pour vivre et pour assurer mes vieux jours.

« 31. — Dernier jour de mars. — J’ai bien travaillé, et j’ai passé par de rudes momens ; mais je suis encore debout par la grâce de Dieu avec mes deux cartons terminés et terminés avec effet. Je me dispose maintenant à une troisième composition ; mais je n’ai pas encore arrêté si ce sera oui ou non une fresque. Je soupire après le mortier et j’ai commencé mon troisième carton dans cette intention ; aujourd’hui même j’ai été occupé à préparer de la chaux. Si jamais artiste a été propre à la fresque, je le suis. J’ai toujours tout fait d’emblée. Pour toutes les grâces et les épreuves de ce mois, mon Dieu, je te bénis de toute mon âme. »


Pour peu que l’on sache ce qu’est la fresque, — celui de tous les genres qui réclame à la fois la science la plus solide et l’initiation la plus sérieuse, — on peut juger, d’après les capacités générales de notre peintre, comment il était propre à ce difficile travail. Il y a dans son assertion un mélange de vanité et d’ignorance qui fait sourire, et cependant vers cette époque il fit des cours publics sur la fresque, et il fut écouté.

La clôture du concours arriva, et nous trouvons ce passage dans son journal :


« 1er juin 1843. — O Dieu ! je te rends grâce de ce qu’aujourd’hui j’ai déposé sains et saufs mes cartons à Westminster-Hall. Sois-leur propice ! C’est un grand jour pour mon esprit et mon âme. Je te bénis de m’avoir gardé la joie de voir cette journée. Épargne ma vie, ô Seigneur, jusqu’à ce que j’aie montré ta force à cette génération, et ton pouvoir à celle qui doit suivre. Je suis profondément reconnaissant d’avoir été conservé jusqu’à un pareil jour. »


La commission chargée de prononcer sur les mérites des candidats et de décerner les prix rendit ses arrêts vers la fin de juin, et le 27 du même mois Haydon reçut avis du secrétaire que ses cartons n’étaient pas au nombre des œuvres couronnées. Son journal resta fermé jusqu’au 30 ; ce jour-là il y inséra ces lignes :