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I. — PHYSIONOMIE DU TERRITOIRE TUNISIEN.

Chacun connaît à peu près la charpente géologique de l’Algérie. On sait qu’elle consiste dans les deux chaînes de montagnes atlantiques, courant de l’ouest à l’est, — la première à peu de distance de la Méditerranée, qui même souvent en baigne le pied, — la seconde sur la lisière de cette autre mer de sable et de pierres qu’on appelle le grand désert du Sahara. L’intervalle entre les deux chaînes parallèles est rempli par des chaînons transversaux et par des plateaux élevés : cette région centrale est ce qu’on appelle le Tell, expression arabe qui en indique la haute position. Le littoral du nord de l’Afrique est généralement parallèle à l’équateur dans toute l’Algérie, il est même assez peu dentelé ; mais dans la régence de Tunis il change brusquement de direction et suit le méridien depuis la presqu’île du cap Bon jusqu’aux frontières de Tripoli. Il résulte de cette configuration du littoral tunisien que les deux chaînes atlantiques sont là, non parallèles, mais perpendiculaires à la mer. Celle du nord prend fin au cap Bon même, et celle du sud vers le golfe de Gabès ou petite Syrte. La large ouverture qu’elles laissent entre elles n’est autre chose que la dégradation successive et étagée des plateaux algériens du Tell, de sorte que ces deux pays, — l’Algérie et la régence de Tunis, — font partie du même système géologique, et physiquement ne forment qu’une seule et même contrée. Les bordures de ces plateaux étages se dessinent en chaînes montagneuses à directions irrégulières et souvent compliquées, et vont toujours, comme les plateaux mêmes, en s’affaissant depuis la frontière de l’Algérie jusqu’à la mer. C’est par cette frontière que nous commencerons l’exploration du territoire tunisien. Une région volcanique et montagneuse, une région maritime, une région centrale, une région saharienne, telles sont les quatre divisions principales qui nous aideront à grouper nos idées.

En parcourant la région volcanique de la régence, j’ai pu suivre une couche de calcaire marneux de plus de 200 kilomètres, qui m’a fait bien souvent penser aux belles théories de M. Élie de Beaumont sur les soulèvemens. Cette couche, je la trouvais tantôt s’étendant horizontalement sous les pieds de mon cheval dans les terrains plats et dénudés de certaines plaines, tantôt transportée sur les pics les plus élevés ; les vallées d’érosion, les gorges, les lits déchirés des torrens, m’en découvraient l’épaisseur dans leurs berges stratifiées ; enfin elle se présentait quelquefois à moi sous forme de dikes, ou murs perpendiculaires. Une petite ville nommée El-Kef peut servir de résidence et de lieu de halte au voyageur qui parcourt cette région volcanique.