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vu en effet réduit à affecter des tendances contraires à celles que lui assignaient ses antécédens. Chartiste, il adhérait aux vœux de réforme ; septembriste, il penchait de plus en plus vers les doctrines d’équilibre constitutionnel.

On peut suivre ce travail graduel de rapprochement d’un bout à l’autre de la période insurrectionnelle. La première révolution septembriste, à peine consolidée, met de côté la constitution ultra-radicale de 1822, dont elle avait fait d’abord son programme, pour y substituer la constitution de 1838, assez inoffensive dérivation de la charte et auprès de laquelle la loi fondamentale belge Serait de la démagogie. Reviennent les chartistes, qui naturellement jettent à bas la constitution de 1838 ; mais le premier ministère Costa Cabral s’empresse de proclamer qu’il y a lieu de réviser la charte, et le second met officiellement cette révision à l’étude. Nouvelle insurrection des septembristes, qui cette fois avaient beaucoup à faire oublier, car l’écho du républicanisme, voire du socialisme français s’était mêlé à leur dernier cri de guerre. Aux défiances surexcitées du pays, ils ont donc hâte d’opposer des concessions exceptionnelles. La constitution de septembre, unique raison d’être du septembrisme, n’est pas même exhumée, et cette insurrection, si menaçante de loin, restreint en définitive ses exigences à la révision légale, c’est-à-dire au programme du comte de Thomar. Et avec quels scrupules encore ! L’exposé des motifs du projet d’acte additionnel n’est qu’une longue génuflexion devant le symbole chartiste. Le ministère y déclare que les droits et prérogatives de la couronne ne sauraient être mis en discussion, que l’œuvre de dom Pedro, sauf le cas d’inintelligibilité trop flagrante, est inviolable jusque dans ses fautes de grammaire, et que la révision enfin doit religieusement respecter les principes pour ne toucher qu’aux obscurités de rédaction et aux questions purement réglementaires. Après quoi le projet entame, il est vrai, un peu les principes, mais si légèrement ou sur des points si secondaires, que les conservateurs n’ont pas cru faire le moindre sacrifice d’opinion en votant les innovations proposées, y compris les deux plus graves : l’extension des incompatibilités parlementaires et la suppression du second degré de l’électorat. Dans un pays où l’opposition devient si vite le pouvoir, et où chaque nouveau pouvoir a pour tactique obligée de ménager tous les intérêts existans, le député fonctionnaire n’est pour les ministres qu’un auxiliaire fort douteux ; il a plus à gagner qu’à perdre à l’indiscipline, qui lui crée à la fois un titre aux craintives cajoleries du cabinet actuel et à la reconnaissance du cabinet futur. Dans un pays encore où les masses, en cessant d’être miguélistes, sont restées essentiellement anti-radicales, mais où leur neutralité entre les coteries qui se disputent