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sur l’ouverture ainsi pratiquée et se rabattant en arrière, poussent l’embryon en avant, à peu près comme les bras d’un homme qui se hisserait à travers une trappe étroite. Ces jeunes cestoïdes cheminent ainsi devant eux par une impulsion tout instinctive. Il en périt toujours un grand nombre en route, mais quelques-uns arrivent jusque dans l’organe qui leur convient, et là ils se transforment en une vésicule sur laquelle germent par généagénèse des têtes de ténia qui sont autant de deutoscolex[1]. Quand l’animal où se sont passés ces premiers phénomènes est mangé par un autre, la vésicule disparaît, les têtes de ténia restent isolées, et alors en arrière de chacune d’elles se développe le cestoïde proprement dit. Celui-ci est d’abord lisse ; mais bientôt il se segmente, et chaque segment est en réalité un animal, un individu distinct réunissant les deux sexes. Quand ce segment est suffisamment développé, quand son appareil reproducteur est rempli d’œufs fécondés, il se détache, est expulsé au dehors et ne tarde pas à mourir. Les milliers d’œufs qu’il renfermait, entraînés par les vents, mêlés à la poussière, sont disséminés en tout sens. L’immense majorité périt. Un bien petit nombre de ces germes seulement est avalé par quelque animal dont l’organisation se prête à leur développement, et chacun d’eux devient le point de départ d’un nouveau cycle de transformations et de migrations. On voit que les ténias, regardés jusqu’à ce jour par la majorité des helminthologistes comme des animaux simples, sont en réalité non-seulement des animaux composés, mais encore de véritables strobila, et que chacun de leurs prétendus articles est un proglottis.

Bien des expériences ont confirmé ces vues du savant de Louvain. Prenons pour exemple le cœnure cérébral (cœnurus cerebralis). Cet helminthe, connu depuis bien longtemps, était regardé comme se développant, on ne savait par quel procédé, au milieu même de la substance du cerveau des moutons. C’est la présence de cet hôte incommode qui détermine chez nos bêtes à laine la maladie connue sous le nom de tournis. Le cœnure ressemble à une ampoule demi-transparente, remplie de liquide et ayant parfois la grosseur d’un œuf ; sur sa surface et en continuité de tissu avec ses parois, on trouve un nombre variable de têtes très semblables à celles d’un ténia. Le cœnure est donc un cystique. Chez lui pas plus que chez toutes les espèces de cet ordre, on n’aperçoit la moindre trace d’appareil reproducteur. Comment donc peut-il se multiplier ? C’est le problème qu’a résolu M. Küchenmeister. Guidé par ses expériences

  1. Dans ce tableau du développement des cestoïdes, dont le fond appartient incontestablement à M. van Bénéden, nous réunissons le résultat des recherches de ce savant aux résultats obtenus par M. Küchenmeister. C’est ce dernier qui a vu les vésicules d’abord simples donner naissance par gemmation à des têtes de ténia.