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avisa un droit de dévolution ouvert depuis longtemps au profit de l’infante Marie-Thérèse par la mort de la reine sa mère, sans que personne en eût jusqu’alors soupçonné l’existence, droit obscur découvert par un légiste dans la poussière d’un greffe, qui ne s’était jamais appliqué qu’en matière civile, et dont on n’hésita pas à se servir, à défaut d’un autre titre, pour changer l’état territorial de l’Europe. Une armée commandée par le maréchal de Turenne reçut mission d’aller faire triompher ces argumens de procureur, et le roi, faisant en 1667 ses premières armes sous la direction de ce grand homme, vit tomber en quelques semaines devant lui les principales places des Pays-Bas, les faibles résistances de l’Espagne n’ayant eu d’autre résultat que d’ajouter la gloire au succès. L’année suivante, la Franche-Comté fut conquise en quinze jours en présence de toute la cour, cortège ordinaire du jeune monarque dans ces faciles expéditions où les émotions de la guerre se mêlaient à toutes les splendeurs du luxe et à toutes les ivresses du plaisir. Bientôt la paix d’Aix-la-Chapelle vint consacrer le succès des armes de Louis XIV, en lui laissant la conviction dangereuse, quoiqu’alors fondée, que sa volonté était en Europe la seule mesure de sa puissance.

Au milieu des sollicitudes universelles excitées par des conquêtes si peu disputées et par des prétentions chaque jour plus menaçantes, un seul état avait encore la volonté et se croyait la force de défendre avec le droit international l’équilibre établi par les traités. Les provinces-unies de Hollande, qu’une lutte acharnée contre l’Espagne avait rattachées si longtemps aux intérêts français et que Louis XIV avait eues d’abord pour alliées, ne tardèrent pas à comprendre que la réunion alors imminente des Pays-Bas espagnols à la puissante monarchie qui les convoitait mettrait bientôt leur propre indépendance en péril : aussi, sans prendre une attitude directement hostile contre la France, travaillèrent-elles à réunir les cabinets dans un concert qui, sans être d’abord redoutable, fut un premier obstacle opposé à la marche triomphale de Louis XIV. S’emparant du rôle déserté en Angleterre par Charles II, la Hollande s’efforça de rallier les gouvernemens incertains en ranimant dans toute l’Europe le sentiment de l’indépendance.

Une pareille attitude ne peut être prise par un peuple libre sans que l’opinion publique surexcitée ne se produise bientôt sous des formes passionnées et quelquefois injurieuses. Au danger de contrarier Louis XIV dans ses desseins en l’arrêtant au milieu de sa course comme Josué arrêta le soleil, la Hollande ajouta donc celui, plus sérieux encore, de le blesser dans sa personne. Les inspirations de la vengeance ne tardèrent pas à l’emporter sur celles de la politi-