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plus acharné, le rival le plus redoutable du grand physicien anglais.

Deux sortes d’adversaires attendent tout inventeur. Pour les uns, la découverte est fausse ; pour les autres, elle n’est pas nouvelle, et il y avait parmi les membres de la Société royale un homme habile qui employa souvent contre Newton le second de ces procédés, procédé bien plus blessant, bien plus irritant que le premier. C’était Robert Hooke, né en 1635, Tua des esprits les plus originaux, les plus variés, les plus inventifs de son temps. Malgré une grande instruction dans toutes les parties des connaissances humaines, il n’aimait pas le travail, et ne savait donner à ses recherches aucune direction, à sa science aucun résultat. Il avait pensé à tout, entrevu tout, inventé tout, mais en toute chose il manquait de précision, et comme, à force de courir d’une idée à une autre, il avait fini par les avoir toutes, ou à peu près, il réclamait comme son bien tout ce que disaient ses confrères, car il se souvenait fort bien d’avoir pensé ce qu’ils pensaient, entrevu l’opinion qu’ils exprimaient ; mais il aurait tout aussi aisément revendiqué l’opinion contraire, car il les avait traversées toutes deux. Malgré un amour passionné de la gloire, il ne s’est jamais donné la peine de rien terminer, et n’a laissé presque aucun monument de son esprit. On était alors au milieu d’un grand mouvement scientifique, et chacun s’occupait de physique et de calculs. Hooke avait écrit, parlé, raisonné sur toutes les sciences, et à l’apparition des premières communications de Newton à la Société royale, loin d’y voir une révélation, il se félicita de ce qu’elles confirmaient quelques idées vagues qu’il avait exprimées peu de temps avant, et que, disait-il, il avait commencé de rédiger. Il acceptait toutes les expériences de Newton, et le remerciait d’avoir fourni de nouvelles armes aux partisans d’une théorie de Descartes que lui, Hooke, avait modifiée et adoptée. Quant à la décomposition de la lumière, qui expliquait les couleurs et la forme du spectre, les réflexions et les transmissions des lames minces, il n’y croyait pas, et la considérait comme une supposition gratuite. En un mot, au lieu de voir dans le travail de Newton un récit d’expériences admirablement faites et des conclusions mathématiquement déduites, la tendance de son esprit, obscur et peu précis, ne lui permettait d’y trouver qu’une hypothèse sans importance qui pouvait expliquer des phénomènes curieux tout aussi explicables par une hypothèse différente.

Newton écrivit à Oldenburg une lettre qui fut imprimée dans les Transactions. Elle est modérée, et elle prouve que ce sont les propriétés et non la cause de la lumière qu’il a étudiées. Il importe peu que ses expériences confirment ou non une théorie de Descartes ou de Robert Hooke, et on n’a pas le droit de rejeter les unes pour admettre les autres. Toutes ses expériences sont liées entre elles, et les raisonnemens