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sont logiquement déduits de ce principe alors incontesté, et peu contestable, que la lumière va toujours en ligne droite. Robert Hooke répondit, et un plus grand mathématicien, Huyghens, fit aussi quelques objections qu’on ne devait guère attendre de lui, et dont ceux à qui l’histoire de la science et des discussions scientifiques est un peu familière peuvent seuls ne pas s’étonner. Peu à peu la discussion s’envenima, Hooke mit de la mauvaise foi dans ses réponses, et finit par prétendre qu’il avait des objections excellentes, mais qu’il ne les publierait pas, par pitié pour son adversaire. Newton, découragé, eut un instant l’idée de renoncer à tout travail, puisqu’il avait plus de peine à défendre ses découvertes qu’à les faire, et il songea même à demander une chaire de législation, car sa fortune était médiocre ; mais les décisions de ce genre durent peu, et ses chagrins s’évanouirent à l’aspect de nouveaux phénomènes à étudier.

Les expériences qui suivirent furent un peu moins heureuses que les premières, et nous avons exposé ce qu’il a découvert de plus fondamental sur l’optique, la composition de la lumière blanche et la réfrangibilité variable des rayons qui la composent. Là est le point important : pour aller plus loin, il faudrait expliquer comment et en quoi il s’est trompé, quelle excuse a pu avoir un observateur aussi habile, et, pour ne pas laisser des idées fausses sur la science, il faudrait rappeler quels progrès on a faits depuis cent cinquante ans, c’est-à-dire faire un cours d’optique tout entier. Ainsi Newton a cru que tout corps taillé en prisme a la même réfrangibilité et produit un spectre identique, erreur facile à rectifier, s’il avait employé un prisme d’eau. C’est bien ce qu’il a voulu faire ; mais pour augmenter le pouvoir réfringent de l’eau, il y avait dissous un sel de plomb, croyant ne pas changer les conditions importantes de l’expérience. On sait aujourd’hui que les sels de plomb ont un pouvoir dispersif remarquable, et une telle dissolution a les propriétés optiques du verre. Il né vit pas non plus que la forme du spectre et l’ordre même des couleurs ne sont pas invariables. Trompé par une analogie apparente, il crut voir que ces couleurs divisaient l’image en espaces proportionnels aux divisions d’une corde dont les diverses parties rendraient les sons de la gamme avec un si un peu trop haut. Frappé de ce rapport singulier entre les perceptions de l’œil et de l’ouïe, il crut pouvoir le rendre exact sans trop s’écarter de l’observation. On sait maintenant que la longueur des espaces colorés dépend non-seulement de la nature du prisme, mais de l’ouverture qui laisse passer le rayon décomposé, et aussi de la grandeur angulaire des corps lumineux. Ainsi en été les images sont plus nettes, parce que le soleil paraît plus petit et que ses rayons n’ont pas la même direction