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qu’en hiver. Pour la même raison, des expériences faites hors de la terre donneraient des résultats différens. Dans Mercure, par exemple, la grandeur apparente du soleil est très considérable, le spectre solaire ne doit pas avoir de couleur verte, et les couleurs doivent être ainsi rangées : rouge, orangé, jaune, blanc, bleu et violet. Ce sont là néanmoins de petites erreurs au milieu de découvertes admirables et d’une multitude d’expériences exactes et variées. Un point sur lequel plus de détails sont nécessaires, c’est qu’irrité sans doute des objections de Hooke et de Huyghens, fatigué de se voir opposer toujours le nom de Descartes, Newton finit par communiquer à la Société royale un mémoire sur la nature de la lumière, et cessa d’obéir à son principe : « O physique, préserve-moi de la métaphysique ! »

Trois élémens, sous la forme de cubes, furent créés ; en tournant sur eux-mêmes au sortir de la main du Créateur, ils se sont brisés ; leurs fragmens se sont arrondis en boules et répandus dans l’univers entier. Ces globules, d’une ténuité excessive, ont fini par former une espèce d’atmosphère dont les mouvemens produisent sur nos yeux la sensation de lumière ou de couleur. Le soleil, dans une agitation perpétuelle, excite dans cette atmosphère des vibrations qui, transmises de proche en proche, comme les vibrations de l’air excitées par une cloche, viennent frapper nos yeux, ainsi que celles de l’air frappent les oreilles. Cette matière poussée par le soleil vient presser les yeux, comme un bâton poussé par un bout presse aussitôt l’autre bout, et par conséquent la propagation de la lumière doit être instantanée. Telle est la théorie de Descartes. On sait maintenant que la rapidité de la lumière n’est pas infinie, et on a pu la mesurer. Et pourtant Descartes disait : « J’avoue que je ne sais rien en philosophie, si la lumière du soleil n’est pas transmise à nos yeux en un instant. » Newton et Voltaire étaient assez de cet avis.

L’hypothèse de Descartes, plus ou moins modifiée par Malebranche, Hooke, Huyghens et d’autres, était admise par tous au XVIIe siècle, et lorsque les découvertes de Newton lui étaient contraires, nous avons vu qu’on prenait le parti facile de les nier. Dans l’antiquité, on avait pensé plus simplement que le soleil lançait un nombre infini de particules de sa propre substance qui venaient frapper les yeux des hommes et des animaux soit directement, soit après avoir rejailli, après avoir été réfléchies par les objets qui nous entourent, et suivant sans doute la rapidité du mouvement, peut-être suivant la forme de ces corpuscules, la sensation produite devait porter le nom d’une couleur ou d’une autre. On comparait cet effet à celui que produit l’eau d’une cascade, lorsque par le choc sur le rocher des milliers de gouttelettes s’éparpillent dans l’air et vont frapper tous les objets.