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A Saint-Séverin comme à Saint-Eustache, il y a plus d’une œuvre digne d’éloge, mais la diversité des styles va souvent jusqu’à la contradiction. Le choix des lignes, le choix des couleurs sont tellement variés, que parfois une composition très heureusement conçue ne produit pas tout l’effet qu’elle pourrait produire, si elle était vue dans d’autres conditions. A côté d’une chapelle décorée dans le goût de l’école romaine, nous trouvons une chapelle décorée dans le goût de l’école vénitienne, et quoique chacune de ces deux écoles jouisse d’un crédit très légitime, le spectateur aimerait mieux ne pas les voir se disputer dans l’enceinte d’une seule église l’expression du sentiment religieux. Et non-seulement Rome et Venise, Florence et Anvers, servent tour à tour de guides et de conseils aux peintres contemporains de l’école française; mais, au lieu de choisir dans les grandes écoles la période la plus glorieuse, la période de maturité, quelques esprits mal inspirés, confondant l’érudition avec la science, font un retour violent vers les époques où l’art n’était pas encore parvenu à la virilité. Ils accusent les maîtres les plus habiles d’avoir ignoré le style qui convient aux idées chrétiennes, et pour atteindre à ce qu’ils appellent la vérité naïve, ils ne craignent pas de négliger la représentation de la forme humaine. Nous avons aujourd’hui toute une famille de peintres archéologues qui ne comprennent pas l’alliance de la beauté avec le sentiment religieux. Les lignes harmonieuses et sévères blessent leur goût. Ils parlent avec un dédain superbe des païens du XVe et du XVIe siècle. A les entendre, ils possèdent seuls la vraie manière d’interpréter par la couleur l’Ancien et le Nouveau-Testament. Il est facile de comprendre combien l’application de tels principes s’accorde peu avec les doctrines qui ont prévalu en Europe depuis les travaux entrepris et accomplis par les grandes écoles. Cette contradiction, facile à saisir dans une galerie, éclate encore avec plus d’évidence dans la décoration d’une église. Les peintres qui se composent laborieusement un style naïf, qui remontent jusqu’à l’enfance de l’art pour échapper aux dangers du goût païen, condamnés au voisinage d’une œuvre conçue d’après d’autres données, étonnent par la puérilité de leurs inventions, par la gaucherie volontaire de leur dessin, et provoquent le rire plus souvent qu’ils n’excitent la sympathie. Quand leurs compositions figurent dans une galerie, il est facile de les entourer de manière à dissimuler au moins en partie la singularité de leurs prétentions. Dans une église décorée de peintures murales, il n’y a pas moyen de les dérober au ridicule. Le sujet une fois accepté, chacun est maître dans la chapelle qui lui est confiée, personne ne s’inquiète du style de la chapelle voisine. Tant pis pour les archéologues qui se trouvent placés à côté des peintres dévoués aux doctrines du