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de toutes les parties de l’empire, pour acheter leurs porcelaines, et celles qui copiaient la haute antiquité, c’est-à-dire les vases antérieurs à la dynastie des Song, et celles qui copiaient la moyenne antiquité, c’est-à-dire les vases postérieurs à cette dynastie. Le vénérable Tsouï (1522-1566) prétendait continuer les traditions du XVe siècle ; Ngéou (1573-1619) au contraire se proposait pour modèles les vases du frère aîné, les porcelaines des magistrats, et celles de Kiun. Un vieillard du nom de Ou suivait son exemple (1573-1619). Ses vases eurent une vogue prodigieuse ; sous leur pied, il gravait ces mots en guise de signature : Le religieux Ou qui vit dans la retraite. Le goût des contrefaçons se répandait dans le public à mesure que l’habileté des imitateurs était plus grande. On achetait au poids de l’or les vases d’un original nommé Tchéou, faussaire tellement adroit qu’il trompait les plus fins connaisseurs. Il aimait à porter lui-même ses porcelaines chez les antiquaires, mais en les avertissant, à la différence de nos faussaires européens. Un jour il rendit visite à un personnage considérable qui était président des sacrifices. Il lui demanda la permission d’examiner à loisir un trépied-cassolette très-ancien qu’il savait en sa possession. Il en prit la mesure avec la main, appliqua un papier humide pour lever l’empreinte des veines, et se rendit à King-te-tchin. Six mois après, il reparut : tirant de sa manche un trépied semblable, il l’offrit au président, qui ne pouvait croire que ce fût une copie. Plus tard, un amateur forcené donna 25,000 francs de la pièce fausse, l’obtint, et, plein d’allégresse, s’enfuit avec son trésor.

Ni les Saxons ni les Français n’auraient bonne grâce à critiquer l’imitation littérale qui préside depuis trois siècles à la fabrication des porcelaines chinoises. Meissen et Sèvres ont suivi les mêmes erremens. Les Grecs également reproduisaient avec une prédilection marquée leurs vases d’ancien style. La manufacture impériale de King-te-tchin en soumettant ses ouvriers à une règle étroite, contribua à éteindre toute initiative. Là, chacun a sa tâche, comme dans nos fabriques d’horlogerie chacun a sa pièce et n’en fait jamais d’autre. L’un grave à la pointe, l’autre émaille ; celui-ci esquisse le sujet, son voisin peint une certaine espèce de fleurs, un troisième peint les animaux, un quatrième les nuages et les montagnes ; les ornemens sont appliqués par un cinquième. Un vase passe par dix mains avant d’être achevé, et l’intelligence n’a aucune part dans cette œuvre tristement morcelée. Aussi l’imitation est-elle le principal caractère de cette manufacture, qui est au reste de la Chine ce que Sèvres est aux fabriques particulières de la France. L’historien de King-te-tchin a pu consacrer un livre entier à l’énumération des porcelaines qui y sont imitées. On sait tout copier, même les émaux