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a décuplé en France depuis que l’importation en a été auto risée, et quant aux cotonnettes de la Belgique, qui devaient nous inonder, il n’en a été introduit que la quantité la plus insignifiante, moins de cinq quintaux en 1855.

Mais alors, que deviennent toutes les allégations sur les machinations de l’Angleterre dont M. Mimerel s’est fait l’organe, et auxquelles il a prêté l’appui de son influence ? Ne serait-ce pas quelque chose comme la métaphore familière aux prohibitionistes, qui consiste à dire qu’ils n’ont qu’une ambition, celle d’empêcher la nation de payer un tribut à l’étranger, alors qu’ils préconisent un système dont le but est de leur en faire servir un très substantiel à eux-mêmes ?

Parmi ces allégations, il en est cependant une encore qui mérite une mention parce qu’elle a été d’un grand effet sur l’imagination des ouvriers et même des chefs d’industrie. Elle consiste à dire qu’après la levée des prohibitions, les Anglais emploieront la puissance de leurs capitaux à nous expédier des masses de marchandises qu’ils nous vendront à perte jusqu’à ce qu’ils aient ruiné nos manufactures. Ce serait un singulier procédé pour s’enrichir, en exploitant notre marché, que de commencer par perdre les centaines et les centaines de millions qu’il faudrait sacrifier pour écraser nos fabriques par l’avilissement des prix. Il ne faut pas de longues réflexions pour comprendre que de la part de l’Angleterre ce serait un faux calcul, car à l’issue de la lutte ce serait un troisième combattant, c’est-à-dire le groupe des autres nations manufacturières, telles que les Allemands, les Belges, les Suisses, les Américains, qui prendrait l’avantage sur les Anglais. Après un pareil effort et un pareil sacrifice, en effet, ceux-ci ne seraient guère moins épuisés que les Français eux-mêmes. Sérieusement, une pareille entreprise est-elle possible ? Il n’est pas nécessaire d’être initié aux affaires commerciales pour reconnaître qu’une tentative de ce genre porterait dans ses flancs plusieurs causes de ruine pour ses auteurs. Si l’on voulait ; subitement développer la fabrication anglaise, et même celle des articles pour lesquels la Grande-Bretagne à le plus de ressources comme les tissus de coton, de manière à l’ajouter la grande masse qu’il en faut à la France, par cela même les prix de revient de ces articles éprouveraient en Angleterre une hausse qui seconderait mal la spéculation à la baisse. Ainsi, premier point, dans la grande spéculation montée pour l’anéantissement de l’industrie française, on aurait à payer cher les marchandises qu’on voudrait nous vendre à vil prix, indépendamment des droits dédouanes à acquitter à l’entrée en France, droits qui dans le système du projet de loi combattu par M. Mimerel seraient fort élevés ; second point, il faudrait vendre à