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contre 450,000, soit un dixième. Dans la Caroline du nord elle-même, il était déjà de 23,000 contre 245,000, soit un onzième. Si l’on comparait tous ces chiffres avec ceux du recensement de 1830, il en ressortait un grand progrès accompli en dix ans. Ce n’était pas encore la néanmoins le fait le plus important qui fût constaté par le recensement de 1840. Par le double effet des libérations plus fréquentes et des émigrations vers le Mississipi, la population esclave tendait à diminuer tous les jours sur les bords de l’Atlantique. Ainsi, dans la période de 1830 à 1840, le Maryland avait vu sa population libre s’accroître de 9 pour 100, et sa population noire diminuer de 13 pour 100 ; dans la Virginie, la population, libre s’était accrue de 7 pour 100, la population esclave avait diminué de 5 pour 100. Dans la Caroline du sud, la population esclave, qui, de 1820 à 1830, s’était accrue de 20 pour 100, était, de 1830 à 1840, demeurée absolument stationnaire. Dans la Caroline du sud, après s’être accrue de 23 pour 100 de 1820 à 1830, elle n’avait augmenté que de 3 pour 100 dans les dix années suivantes. Dans le Kentucky même, l’augmentation du nombre des esclaves avait été seulement de 10 pour 100, après avoir été de 30 pour 100 dans la période précédente.

Ainsi l’esclavage était déjà en décroissance dans deux états, et il était stationnaire dans quelques autres, où il ne tarderait pas sans doute à décliner également : partout au contraire la population libre continuait sa marche ascendante, en sorte que la proportion entre les deux races devenait de plus en plus favorable aux blancs. L’esclavage reculait devant la liberté. Cela était surtout vrai de la Virginie. La partie nord-ouest de cet état confine aux Alleghanies, elle se compose d’une série de plateaux qui vont en s’élevant graduellement. Le sol y est d’une grande fertilité, mais la température, moins chaude que dans la plaine, n’y permet pas les cultures tropicales, et toute cette partie de l’état avait été complètement délaissée. Depuis 1830, des émigrans, venus du New-Jersey, du Maryland, de la Pensylvanie surtout, se sont établis sur ces terres dédaignées et l’ont introduit la culture des céréales. Tous ces émigrans, sortis du nord, étaient imbus de son esprit ; ils n’avaient point d’esclaves et n’en souffraient pas parmi eux, parce que le travail devient avilissant pour l’homme libre partout où l’esclavage pénètre. Il se formait donc en Virginie un noyau de population hostile à la servitude, et dont le développement hâterait la rédemption de cet état. Il en serait sans doute de même tôt ou tard dans la Caroline du nord, où le sol commençait à donner des signes d’épuisement et où de fréquens complots d’esclaves avaient jeté l’inquiétude parmi les planteurs. En présence de tous ces faits rassurans, les hommes les plus considérables du nord se croyaient autorisés à blâmer, comme intempestive,