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traité avec un égal bonheur les quatre sujets que je viens d’indiquer, mais le premier et le dernier sont rendus d’une manière ingénieuse, et je ne m’étonne pas qu’il n’ait pas aussi bien réussi dans la Communion et dans la Peste. Pour traiter de telles données, il faut une élévation de style que la peinture anecdotique n’enseigne pas. J’aime à dire pourtant que M. Hesse a très bien saisi le caractère mystique et ingénu de l’héroïne dont il avait à retracer la vie, et j’espère que dans un travail du même genre il montrera plus de fermeté.

M. Cornu avait à représenter deux épisodes empruntés à la vie de deux saints qui portent le même nom, car il y a deux saint Séverin : il eût peut-être mieux valu faire un choix, et ne pas donner deux patrons à la même paroisse; mais cette question n’est pas de ma compétence. Le premier saint Séverin guérissant Clovis de la fièvre est une composition très habilement conçue. L’étonnement du malade est exprimé avec une vivacité singulière. Le visage des serviteurs qui entourent le chevet du roi trahit une surprise qui va jusqu’à la stupeur. Quant au saint personnage qui opère cette guérison miraculeuse, il est plein d’une majesté sereine; on voit qu’il compte sur l’intervention divine, et ne demande rien à la science humaine; il prie, et ne doute pas que sa prière ne soit exaucée. Toute la partie poétique de ce récit légendaire est très bien comprise, et M. Cornu a prouvé qu’il ne néglige rien pour exprimer clairement sa pensée: le côté technique n’est pas d’ailleurs traité avec moins de bonheur. Le corps du malade est dessiné avec une élégante pureté. L’affaissement et la souffrance attirent d’abord les regards. Le second saint Séverin recevant dans le cloître le fils de Clotaire n’offrait pas à la peinture autant de ressources que la guérison miraculeuse de Clovis. Cependant M. Cornu a tiré bon parti de cette scène, où se révèle toute la puissance du clergé dans les premiers temps de notre histoire. L’humilité du fils de Clotaire, le regard calme et fier du prêtre qui l’accueille, donnent à cet épisode tout l’intérêt qu’on pouvait souhaiter : il n’y avait pas moyen de le rendre pathétique.

M. Gérôme, je le dis à regret, a pris un étrange parti pour la décoration de la chapelle qui lui est échue. Il a traité la peste de Marseille en tenant compte de l’état présent de la peinture, et pour la communion de saint Jérôme il a voulu remonter jusqu’au style de Fra-Angelico. Ces deux compositions, placées l’une en face de l’autre, déroutent le regard du spectateur. On se demande avec raison pourquoi Belzunce et saint Jérôme, représentés par le même pinceau, nous offrent une si grande diversité d’aspect? L’habileté ne manque pas; mais la Peste de Marseille laisse le spectateur indifférent, et dans la Communion de saint Jérôme le style archaïque choisi par