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contre ses mauvais vouloirs et ses subterfuges. — C’est donc le territoire russe qui est occupé ? Les soldats autrichiens sont donc à Bolgrad, ou tout au moins sont-ils sur le point de mettre la main sur ce gage de la soumission du tsar ? Nullement. Les vaisseaux anglais sont dans la Mer-Noire, les Autrichiens sont dans les principautés, et jusqu’ici Bolgrad semble suffisamment garanti contre un coup de main par la prudente habileté de l’Autriche : c’est-à-dire que c’est là Russie qu’on veut punir et amener à résipiscence, et c’est l’empire ottoman qui porte le poids de l’occupation ! Cette situation pourrait se prolonger sans que la Russie eût beaucoup à en souffrir. Cela seul indique ce qu’il y a dans cette politique de disproportionné entre les moyens et le but. Ce n’est pas seulement de l’occupation matérielle que la Turquie souffre, elle ressent l’influence de ces perturbations dans toute sa constitution, dans toute son existence. On le voit aujourd’hui, le cabinet à la tête duquel a été placé Rechid-Pacha vit dans un état permanent de crise, les péripéties se succèdent. Après avoir quitté d’abord le poste de grand-vizir et être un moment rentré au pouvoir pour se démettre encore, Aali-Pacha avait fini par accepter le ministère des affaires étrangères avec le nouveau grand-vizir. Deux jours après, il se retirait et il était remplacé par Ethem-Pacha, ancien aide-de-camp du sultan, qui se recommande, disent les journaux, par sa connaissance de la langue française ! Ces crises successives n’ont qu’une cause, c’est l’incertitude de la situation de l’Orient. En définitive, on ne peut choisir qu’entre ces trois dénoûmens : recommencer la guerre, prolonger l’occupation dans les conditions actuelles, ou recourir à la juridiction d’un congrès. Et comme il ne serait ni sérieux de songer à faire la guerre pour Bolgrad, ni possible de prolonger l’occupation, il ne reste qu’une délibération collective pour préciser le sens des clauses qui ont soulevé ces divergences. L’Angleterre et l’Autriche ont assez longtemps reculé devant cette mesure ; elles paraissent aujourd’hui plus près de se rendre à l’évidence de cette nécessité, et si les symptômes ne trompent pas, on pourrait voir, d’ici à quelques semaines, une nouvelle conférence européenne et la fin de l’occupation en Orient.

Il est des pays qui restent étrangers à ces affaires générales de la diplomatie, et où ne s’agitent pas moins les questions les plus graves d’un autre ordre, des questions qui touchent à tous les ressorts de la société civile, religieuse et politique. La Belgique est un de ces pays. La session législative s’est ouverte depuis peu à Bruxelles, et elle a offert aussitôt une arène aux discussions les plus vives, les plus ardentes, sur une des matières les plus élevées et les plus délicates, sur la direction morale de l’instruction publique. Ces débats parlementaires ne sont, à vrai dire, que le couronnement ou plutôt une péripétie nouvelle d’une longue lutte entre l’influence religieuse et ce qu’on peut appeler l’influence laïque. L’enseignement est le champ de bataille. Ces difficultés existent depuis longtemps en Belgique ; elles ont pris dans ces derniers mois une gravité nouvelle par suite de l’intervention directe et publique de quelques prélats, notamment des évêques de Gand et de Bruges, qui ont lancé des mandemens où ils mettaient en cause renseignement laïque, incriminant des professeurs des universités de l’état et condamnant leurs doctrines. Si les évêques belges s’étaient bornés à signaler le péril de certains principes, de certaines opinions qui usurpent trop sou-