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solennités religieuses, il est d’usage que ses coreligionnaires lui offrent des présens, souvent assez considérables[1].

Parlerons-nous maintenant de l’éducation de la femme indienne ? Le sujet prête peu au développement, car Il y a là une lacune complète dans les institutions natives, et l’on peut remarquer dès le début que les femmes qui ont reçu quelque instruction appartiennent toutes aux classes les plus dégradées de la population. On ne saurait mieux dépeindre l’ignorance profonde dans laquelle est plongée la population féminine de l’Inde qu’en disant, nous parlons ici seulement, on doit se le rappeler, des études de la communauté native, qu’il n’existe pas dans tout le Bengale une seule école publique consacrée à l’éducation des filles, et que parmi des populations de plusieurs centaines de mille âmes, on compte par unité les femmes ayant reçu les notions premières de la lecture et de l’écriture.

L’éducation des femmes de l’Inde a préoccupé bon nombre d’esprits d’élite de la communauté européenne, et à plusieurs reprises des efforts énergiques ont été faits par des hommes haut placés dans le gouvernement de la compagnie pour répandre quelque lumière au milieu de ces profondes ténèbres. Malheureusement il faut constater que quoique des ouvriers ardens aient accepté depuis plus de trente ans cette mission ingrate, le premier sillon n’a pas encore été ouvert sur ce sol hérissé de préjugés religieux. L’on donnera au reste une idée des difficultés de l’entreprise en disant que la pieuse femme d’un missionnaire qui entretint à ses frais pendant plusieurs années, dans une grande ville de l’intérieur, une école de filles, dut reconnaître avec une mortelle douleur que toutes ses élèves, presque sans exception, finissaient par alimenter la population des antres de prostitution de la cité. Outre ce fait, qui explique les préjugés que la communauté native entretient contre l’éducation des femmes, certains usages sociaux opposent une barrière infranchissable aux travaux d’éducation féminine les mieux organisés et les plus énergiquement soutenus. C’est de huit à dix ans que les filles hindoues contractent

  1. Les chiffres suivans, extraits des documens officiels publiés par le gouvernement de l’Inde, permettent d’apprécier exactement la proportion dans laquelle les diverses castes de la hiérarchie indienne participent à l’étude du sanscrit. Le district de Burdwan compte 190 écoles, dirigées par 190 professeurs appartenant tous à l’ordre brahmanique. Ces établissemens renferment 1,358 élèves, dont 590 externes et 768 internes. 1,296 élèves appartiennent à la caste des brahmes, 45 à la caste des médecins, les 17 autres à des familles de brahmes dégradées. Les recettes annuelles accusées par les 190 professeurs forment un total de 11,960 roupies, soit en moyenne un traitement pour chaque maître de 68 roupies 4 anas ; mais les sources de profits pour les pundits sont si diverses et si facilement dissimulées, qu’on ne peut accepter ce chiffre sans réserve.