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mariage, et à partir du jour de la cérémonie nuptiale, elles sont condamnées à vivre dans la réclusion du harem, où elles oublieraient facilement le peu qu’elles auraient pu apprendre à l’école dans un âge aussi tendre. Aussi on a eu beau mettre en pratique les moyens les plus divers, essayer de tenter les familles pauvres en accordant une prime journalière à chaque enfant qui assiste au cours de l’école, comme cela s’est pratiqué dans certains établissement de Calcutta, ou bien s’efforcer de rallier à la cause de l’éducation les castes élevées : partout le résultat a cruellement trompé les espérances. Un homme dont le passage dans l’Inde a été marqué par les plus généreux sacrifices en faveur de la cause de l’éducation des natifs, l’honorable Drihkwater Béthune, membre du conseil suprême, accorda il y a quelques années une donation princière à une école où il espérait pouvoir réunir les jeunes filles des meilleures familles indiennes de Calcutta. Dans cet espoir, les règlemens du nouvel établissement proscrivaient toute tentative de conversion religieuse ; les préjugés de caste, les habitudes de la famille indienne devaient être scrupuleusement respectés. Et cependant cette institution, ouverte depuis plusieurs années dans une ville d’un million d’âmes, sous le patronage des hommes les plus éminens du gouvernement de l’Inde, dotée d’une manière libérale, n’a jamais compté plus de soixante élèves ! En présence de ces résultats négatifs, quelques hommes compétens dans la question de l’éducation native croient devoir recommander maintenant d’avoir recours à l’éducation privée, d’organiser un corps d’institutrices soldées sur un fonds commun, qui iraient porter l’instruction dans les divers harems. On comprend toutes les difficultés d’exécution que présente un pareil système, et cependant c’est celui auquel, en désespoir de cause, on se rattache aujourd’hui.

Les travaux de l’enquête de M. Adams, auxquels on vient d’emprunter tous ces détails, ne purent embrasser tout le Bengale : la vie d’un homme n’eût pas suffi à cette lourde tâche. Cinq districts sur trente-deux furent seulement soumis à ses investigations ; mais en prenant pour base les données qui y furent recueillies, l’on arrive à des chiffrés approximatifs qui expriment avec une terrible éloquence l’état d’ignorance et de barbarie où croupissent les populations du domaine indien. Pour ne pas trop généraliser, on n’appliquera ces chiffres qu’au Bengale proprement dit, qui compte environ 36 millions d’habitans.

Suivant les tables dressées par M. Adams dans les districts où l’éducation est le plus répandue, 16,05 enfans sur 100 vont à l’école, et dans les districts où elle l’est le moins 2,05, soit, comme moyenne proportionnelle de la population des écoles à la population totale, 7 ¾ pour 100. Le chiffre est encore inférieur pour les adultes ayant