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elle avait souffert cruellement. De la son silence. Cette maladie qu’au siècle dernier les romanciers employaient sans cesse pour punir à la fin de leurs livres les vanités et les égaremens de la matière, la petite-vérole, l’avait frappée. Sur son lit de douleur, elle avait reçu la lettre de Claresford. Cette voix lointaine, qu’elle avait entendue à une heure d’isolement, l’avait remuée. Elle ne disait pas à Hugues de revenir, mais elle lui disait qu’elle l’aimait. Elle affirmait que tout attrait visible l’avait quittée. Elle prétendait que d’un seul bond elle était tombée au plus profond des années. « Voilà, mon ami, — disait-elle avec ce tour d’esprit inattendu, le plus grand peut-être de ses charmes, — voilà qui m’offre la meilleure occasion possible de me vouer entièrement à Dieu. en bien ! au contraire je me sens le cœur plus atteint que jamais de tendresse terrestre. Quoi que je sois peu coquette, toutefois j’aime autant ne pas vous voir. Je veux que vous le sachiez seulement, vous n’avez pas été méconnu. Il y a une créature toute remplie de votre pensée, et qui, par cela même qu’elle ne veut plus être pour vous qu’une ombre, trouve comme une jouissance et une facilité nouvelles à vous exprimer son amour. »

— Demain, s’écria Claresford entendant cette lettre à Strezza, je retourne en France. Je la reverrai malgré elle.

— Malgré elle ! dit le Valaque après une lecture rapide. Ne voyez-vous donc pas qu’elle vous appelle ? Cette incarnation de l’orgueil, de la curiosité et du caprice veut tenter sur vous une de ces expériences qui sont le seul intérêt de sa vie…

— Ah ! mon ami, vous calomniez Olympia. Quand vous auriez raison d’ailleurs, peu m’importe. Tenez, tout me plaît en elle, jusqu’à ce post-scriptum, que je n’avais pas lu :

« La comtesse Scalieri, qui devait venir passer quinze jours auprès de moi, n’osera pas avant des années s’approcher de ma personne. Je crois du reste que nous sommes un peu brouillées, parce que j’ai eu le malheur de dire que son vaccin devait avoir terriblement perdu de sa puissance, quand le mien, un peu plus récent après tout, s’était si mal comporté. Celui qui lui a répété si obligeamment ce propos, votre ami, Maxime de Mende, a scandalisé toutes les âmes sensibles par la manière dont il a pris la mort de cette pauvre Mme d’Ervilly. Il a toujours la rage de chanter les mélodies de Schubert. On prétend que l’autre jour il disait avec une joie féroce : « La mort est une amie qui rend la liberté… »

— Vous riez, dit Claresford en s’interrompant, sans me comprendre, j’en suis sûr. Voyez-vous, Strezza, je renvoie à Mahomet toutes les Turques du monde. Ce que j’aime, c’est la femme de mon temps, de ma société, de ma civilisation, avec les travers de mon esprit et