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comme moi, autre barbare, sur la colline, aujourd’hui presque inhabitée, où Rome fut fondée, sur la colline qui plus tard donna son nom au palais des empereurs, et par lui à tous les autres palais.

L’extension progressive du palais est l’histoire du développement et du débordement de la puissance impériale elle-même. Auguste, on le sait, avait choisi sa demeure dans une partie peu en vue du Palatin, pour y cacher son pouvoir naissant. Tibère avait adossé à la maison d’Auguste son palais, déjà plus considérable, mais encore d’une médiocre étendue. Jusqu’ici, l’empire affecte des apparences modestes et se déguise pour se faire accepter ; mais avec Caligula l’insolence de l’empire éclate : le pouvoir absolu, qui croit n’avoir plus rien à ménager, apparaît dans son orgueil et sa démence. Caligula fait abattre les maisons qui formaient le beau quartier de Rome dans les derniers temps de la république. Là était la demeure de Cicéron. On ne dit pas que Caligula ait acheté le sol qu’il envahissait, comme Auguste acheta celui dont il avait besoin pour son forum, et qu’il ait fait reculer le mur de son palais devant les refus des particuliers. Auguste, par ces ménagemens habiles et timides, avait fondé une puissance qui ne se sentait plus obligée d’en avoir de pareils. Caligula étendit donc du côté du Forum et du Capitole un vaste palais qui couvrait une partie du Palatin. C’est dans ce palais que, tourmenté par l’insomnie et par l’agitation de son âme furieuse, il passera une partie de la huit à errer sous d’immenses portiques, attendant et appelant le jour. C’est la aussi qu’il aura l’incroyable idée de placer un lieu infâme.

Caligula se fit bâtir sur le Palatin deux temples. Il avait d’abord voulu avoir une demeure sur le mont Capitolin ; mais, ayant réfléchi que Jupiter l’avait précédé au Capitole, il en prit de l’humeur et retourna sur le Palatin. Dans les folies de Caligula, on voit se manifester cette pensée : Je suis dieu ! pensée qui n’était peut-être pas très extraordinaire chez un jeune homme de vingt-cinq ans devenu tout à coup maître du monde. Il parut en effet croire à sa divinité, prenant le nom et les attributs des divers dieux, et changeant de nature divine en changeant de perruque.

Non content de s’élever un temple à lui-même, Caligula en vint à être son propre prêtre et à s’adorer. Le despotisme oriental avait connu cette adoration étrange de soi : sur les monumens de l’Égypte on voit Ramsès-roi présenter son offrande à Ramsès-dieu ; mais Caligula fit ce que n’avait fait aucun pharaon : il se donna pour col lègue, dans ce culte de sa propre personne, son cheval, qu’il ne nomma pas, mais qu’il songea un moment à nommer consul.

Toujours se rêvant dieu, il fit du temple de Castor et Pollux le vestibule de son palais. On le vit s’aller placer entre les statues des