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soixante-douze ans. Ainsi, au temps des Argonautes, l’équinoxe du printemps se trouvait fixé au quinzième degré de la constellation du Bélier ; au temps de Méton, il était au huitième. Entre les Argonautes et Méton, il devait donc s’être passé sept fois soixante-douze ans, ou cinq cent quatre ans, et comme la date de Méton est connue, on en peut conclure celle de l’expédition des Argonautes. Newton, d’après ce calcul, place cette expédition au Xe siècle avant Jésus-Christ, et non au XIVe, comme on le fait d’ordinaire.

On conçoit qu’appuyé sur ces considérations, Newton ait pu construire un système chronologique complet. Malheureusement tant de recherches, d’esprit et de science ont été dépensés en pure perte. Il est admis aujourd’hui que les connaissances astronomiques des anciens n’étaient pas toujours précises. Les observations d’Hipparque lui-même ne doivent pas être acceptées sans contrôle, et quant à la sphère de Chiron, qui a servi de base au calcul de Newton, elle est remplie d’erreurs si grossières et d’impossibilités si manifestes, qu’on ne saurait s’en servir pour soutenir l’hypothèse qui prétendrait le moins à la certitude mathématique.

On a longtemps cru que les écrits théologiques de Newton avaient été composés dans sa vieillesse et ne remontaient pas au-delà des années 1712 ou 1719. On les a même cités comme une preuve de la décadence de son esprit et du système qui lui ôte une partie de ses facultés depuis 1693, De nouvelles recherches ont montré que ses travaux en tout genre ont été simultanés, et que s’il s’est plus occupé de théologie à la fin de sa vie, ces études n’étaient pas nouvelles pour lui. On a trouvé dans ses papiers des essais de ce genre portant une date fort ancienne. Une correspondance suivie avec Locke, antérieure à 1691, le montre fort occupé des Écritures. Il n’imprima rien alors sur ce sujet, parce qu’il redoutait le bruit, la publicité et les discussions qu’elle amène. Les hérésies d’ailleurs étaient dangereuses même en Angleterre, où la liberté était plus politique que philosophique. On sait que de l’acte de tolérance de 1688 étaient exceptés ceux dont les ouvrages niaient la Trinité, et en 1698 on vota une loi sévère contre les philosophes qui, dans leurs écrits, leurs leçons ou leurs paroles, n’affirmaient pas la divinité de Jésus-Christ. Newton était du reste trop chrétien pour n’être pas arrêté par la crainte de jeter de nouveaux troubles dans le monde religieux. Peut-être aussi, quoi qu’on en dise, savait-il distinguer son Commentaire sur l’Apocalypse des principes mathématiques de la Philosophie naturelle, car on est vraiment trop prompt à supposer que les hommes de génie ne savent pas juger leurs propres œuvres. Il est vraisemblable qu’il n’écrivit sur de tels sujets que pour se délasser de travaux plus fatigans. C’était en ce temps l’usage, et aux études les