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plus diverses se mêlait souvent la théologie. Boyle a publié un essai sur l’Écriture sainte, le géomètre Wallis et le physicien Barrow des traités sur le Nouveau-Testament, Leibnitz un commentaire sur Balaam, et Hooke une dissertation sur la tour de Babel.

Le premier ouvrage de Newton en ce genre est un mémoire sur deux altérations du texte des Écritures[1], qui fut publié en Hollande vers 1754. Il s’agit de deux passages des épîtres de saint Jean et de saint Paul[2] qui ont été regardés comme des expressions symboliques du dogme de la Trinité. Newton croit l’un ajouté au texte primitif par les chrétiens d’Occident, et l’autre interpolé ou mal compris. Il a pour lui des autorités comme Érasme, Luther, Grotius, Michaelis, Bentley, Richard Simon et Griesbach ; mais on conçoit que nous ne discutions pas cette question encore controversée aujourd’hui. Son ouvrage théologique le plus important est un commentaire sur la prophétie de Daniel et sur l’Apocalypse[3]. Il expose une théorie complète touchant la manière d’entendre les prophéties, non pour deviner ce qu’elles annoncent, ce qui ferait, dit-il, de chaque lecteur un prophète, mais pour vérifier si ce qu’elles ont annoncé s’est accompli. Il commence par Daniel, qu’il trouve le plus clair de tous les voyans, et pose en principe que le langage figuré des prophètes est tiré de l’analogie qui existe entre le monde matériel et un royaume du monde politique. Le ciel et ce qu’il renferme sont les rois et les dynasties, la terre est la nation, les dernières parties de la terre sont le plus bas peuple. Tous les phénomènes célestes correspondent aux divers actes des animaux, des végétaux et de l’homme lui-même. Appuyé ainsi sur une sorte de dictionnaire, Newton explique clairement, d’une façon précise, ce que le prophète a prévu par ses phrases les plus mystérieuses. Il sait voir par exemple, dans un chapitre de Daniel, l’apparition de l’église de Rome. L’Apocalypse même n’échappe pas à sa méthodique explication. Il énumère les dix cornes de la bête, et les assimile à dix nations qui ont remplacé l’empire romain (XIII, 5, 7). Cette bête qui avait des yeux d’homme et une bouche qui proférait de grandes choses, qui paraissait plus forte que les autres, qui faisait la guerre aux saints et qui avait l’avantage sur eux, c’est pour Newton l’église romaine. Le pouvoir qui lui est accordé pendant un temps, deux temps et la moitié d’un temps, signifie que cette église ne durera que jusqu’à l’an 2,060 et disparaîtra dans deux cents ans. Dans un commentaire sur le

  1. Historical Account of two notables Corruptions of the Scriptures,in a letter to a friend.
  2. Saint Jean, v. 7, et I Tim. III. 16.
  3. Observations upon the Propheties of Daniel and the Apocalipse of s. John, London 1733, in-4o, p. 323.