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d’aujourd’hui n’est pas de ceux qui, pour l’honneur de leurs principes, se font les champions des causes compromises ou des causes perdues.

Il est vrai que l’opinion publique ne semble avoir répondu nulle part à l’appel intéressé des partisans de la réforme. « En dehors du parlement, a dit avec raison M. Disraeli, on ne trouve guère personne qui demande que le parlement soit réformé. » On pourrait dès lors être tenté de croire qu’il ne convient pas de prévenir le besoin et le désir de la nation en allant au-devant d’un de ces changemens toujours périlleux à hasarder, et qui sont seulement justifiés par la nécessité d’obéir à la voix du pays, quand elle s’est fait entendre. Toutefois il faut reconnaître l’avantage qu’un gouvernement s’assure en se mettant en marche sans être poussé en avant ; il reste ainsi libre de ses mouvemens sans être obligé de précipiter sa course à l’aventure. Quand il lui faut compter avec les exigences des partis et prendre une décision au bruit des clameurs populaires, il court souvent risque d’être entraîné hors de la voie dans laquelle il aurait aimé à rester et d’être emporté au-delà du but qu’il ne veut pas dépasser. Tel est le danger qu’il s’agissait d’éviter et contre lequel les gouvernemens sages se garantissent « quand ils se rappellent, comme disait M. Royer-Collard, qu’ils ne sont pas des tentes dressées pour le sommeil. » C’est en prenant à temps l’initiative de la réforme que le premier ministre d’Angleterre pourra réussir à en régler les proportions et les limites, et à empêcher que la mesure du changement ne soit trop élargie.

Le développement, et non le changement de la constitution électorale du pays, tel est en effet le seul plan qui puisse maintenant être suivi avec succès : tout autre échouerait, sinon devant la résistance de la chambre des communes, au moins devant la résistance de la chambre des lords, qui serait aujourd’hui toute-puissante, parce qu’elle n’aurait plus à craindre, comme en 1832, le mouvement de l’opinion du pays. Il faut donc mettre de côté, sans examen, les réformes qui bouleverseraient l’œuvre du passé, pour se borner à tenir compte de celles qui doivent seulement la compléter.

C’est surtout aux collèges électoraux des bourgs que le projet de réforme devra être appliqué : le droit de suffrage pourra y être avantageusement étendu à de nouvelles classes d’électeurs. Les électeurs des bourgs doivent aujourd’hui justifier de l’occupation, à titre de propriétaires ou de locataires, d’une maison d’un revenu de 10 livres (250 francs), à moins qu’ils n’appartiennent aux catégories privilégiées d’anciens électeurs, dont les droits ont été réservés sans condition de revenu, soit à vie, soit à perpétuité, et dont les rangs se sont peu à peu bien éclaircis. L’acte de 1832 a fait ainsi, entrer dans le corps électoral des bourgs des citoyens qui devaient