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Parce qu’ils faisaient mal, vous en concluez qu’ils ont fait les premiers ; nous en concluons, nous, qu’ils n’ont pas su imiter les bons modèles. » A cela que répondent les Hollandais ? « Une découverte ne se produit point tout de suite avec un caractère de perfection. Cette période d’enfance et de tâtonnement, qui signale l’aurore de toutes les inventions humaines, nous la retrouvons précisément, dans les traits de notre typographie embryonnaire. Votre Bible de Mayence porté au contraire le cachet d’un art très avancé. L’imprimerie n’a pas dû commencer par là. Une chronique allemande de 1499 reconnaît que si l’art de la typographie a été développé à Mayence, cet art avait d’abord été trouvé en Hollande. Les expressions latine et germanique dont se servent les chroniqueurs allemands pour désigner l’imprimerie indiquent plutôt le perfectionnement d’une découverte que la découverte elle-même ; ils attribuent à Harlem l’adinventio, l’uyrbitdung. »

J’ai cherché, entre les deux camps, à me faire une conviction réfléchie : la chose m’était peut-être plus facile qu’aux Allemands et aux Hollandais, car je suis juge désintéressé dans le débat. Si l’on s’arrête uniquement aux faits matériels, aux dates connues, l’invention de l’art typographique revient sans contredit à l’Allemagne ; mais si l’on consulte les inductions morales, si l’on prend la peine de confronter et de vérifier les types, si l’on recueille les indices historiques, on arrive à cette conclusion, qu’antérieurement à la Bible de 1457 il existait en Hollande, selon toute vraisemblance, une école de typographie. Cette école avait son caractère à elle, caractère informe, enfance de l’art[1]. Elle s’est maintenue et conservée quelque temps, n’empruntant rien à l’Allemagne, se perfectionnant elle-même pas à pas, mais toujours dans son type, dans sa donnée. Elle a laissé en Hollande des monumens nombreux qui ne se retrouvent nulle part ailleurs, ni en Allemagne, ni en Angleterre, ni en Italie, ni en France. L’imprimerie continua d’être ainsi dans les Pays-Bas en progrès sur elle-même jusqu’au jour où des ouvriers allemands vinrent s’y établir et apportèrent avec eux les types de Guttemberg.

Laurent Coster, dont le vrai nom était Lourens Janszoon Koster, était un citoyen de la ville de Harlem, dans laquelle il naquit vers 1370. Il remplissait les fonctions de trésorier de la ville et quelques autres charges importantes. On voit encore sur la place, en face de la cathédrale, l’endroit où étaient ses ateliers, Costeri œdes typographioe natales. En 1823, lors du quatrième jubilé séculaire de cette invention, que s’attribuent les Hollandais, un monument fut érigé en

  1. Il existe sur cette question de priorité un livre, quelque peu tranchant, de M. J. Scheitema. Faust, à l’en croire, ne serait qu’un ravisseur qui aurait volé le secret de son maître.