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le roi Guillaume Ier, gouverné à ce sujet par les traditions hollandaises plus que par ses passions philosophiques, rendit ou laissa reprendre aux fondations charitables encore plus de liberté. En recouvrant son indépendance, la Belgique fit de nouveaux pas dans cette voie : depuis l’avènement du roi Léopold, l’autorisation a été donnée à diverses fondations charitables régies, selon la volonté des fondateurs, par des administrateurs spéciaux de leur choix, et la loi qui régla en 1836 l’organisation communale déclara formellement (art. 84) qu’il n’était point dérogé au régime de ces fondations. En principe cependant et dans la législation générale, l’omnipotence de l’état et la centralisation administrative prévalaient toujours. Le cabinet qui se forma en 1847 résolut de faire rentrer tous les établissemens de charité sous leur empire, et le 10 avril 1849, par une instruction générale sur l’acceptation des dons et legs au profit des établissemens publics, M. Dehaussy, alors ministre de la justice, interdit formellement les administrateurs spéciaux, et attribua à l’administration publique et civile seule le droit de régir tous les établissemens et toutes les œuvres permanentes de charité, quelle que fût leur origine. « Pourquoi, se dit-on parfois (ce sont les termes de cette instruction), l’homme bienfaisant ou religieux ne pourrait-il pas disposer, pour l’époque où il n’existera plus, de la même manière qu’il aurait la faculté de disposer pendant sa vie ? Cette objection repose sur une erreur capitale. Certes l’homme propriétaire a le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, mais il ne peut cependant pas en faire un usage prohibé par les lois et les règlemens (art. 544 du code civil). Or les lois et les règlemens organiques des services publics veulent que tous les biens affectés à ces services soient exclusivement régis et administrés par les mandataires légaux à ce préposés ; les articles 910 et, 937 du code civil ne sont qu’une conséquence de ces principes[1] : aussi ces articles exigent-ils que non-seulement les legs, mais également les donations entre vifs au profit des établissemens publics, ne puissent être acceptés que par les administrateurs de ces établissemens. Le particulier qui dispose en faveur des services publics doit donc renoncer à l’administration du bien donné (tout aussi bien pendant sa vie qu’après sa mort), soit par lui-même, soit par des administrateurs particuliers de son choix : toute réserve contraire serait en

  1. « Art. 910. Les dispositions entre vifs ou par testament, au profit des hospices, des pauvres d’une commune ou d’établissemens d’utilité publique, n’auront leur effet qu’autant qu’elles seront autorisées par un décret impérial. »
    « Art. 937. Les donations faites au profit d’hospices, des pauvres d’une commune ou d’établissemens d’utilité publique, seront acceptées par les administrateurs de ces communes ou établissemens, après y avoir été dûment autorisés. »