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opposition avec les lois et les règlemens organiques des établissemens publics, et elle devrait par suite être réputée non écrite, sans que le droit de propriété en souffrît aucunement… Par exemple, si quelqu’un disposait de sa fortune en faveur d’un hospice, soit par donation entre vifs, soit par testament, et si, contrairement à la loi, il voulait réserver exclusivement le droit d’administration à lui-même ou à d’autres, il y aurait là une clause illégale qui devrait être réputée non écrite ; mais la libéralité n’en serait pas moins valable, et devrait être affectée au service de l’hospice. »

Ainsi, dans ce système, toute donation ou fondation charitable, faite à la condition d’une certaine mesure de spécialité et d’indépendance administrative, était nulle quant à la condition et valable quant au don ; l’état, faisant deux parts dans la volonté du donateur, acceptait l’une et repoussait l’autre, prenant le bien et se refusant au mode prescrit pour le bienfait.

Un tel système était évidemment contraire à l’équité et à l’histoire, aux droits de la liberté des individus et aux pratiques récentes comme aux anciennes traditions du pays.

Il ne l’était pas moins aux principes admis et pratiqués, non-seulement par les états libres, mais par presque tous les états catholiques ou protestans de l’Europe chrétienne. Personne n’ignore combien en Angleterre les fondations religieuses, charitables, scientifiques, sont nombreuses et libres, et avec quel scrupule le pouvoir, comme le public, respecte leur liberté. L’esprit de réforme par l’intervention du gouvernement central a pénétré de nos jours dans ce grand pays : on n’y veut plus des vieux abus, on demande que l’état, c’est-à-dire la couronne et le parlement, y porte remède ; mais c’est avec une extrême circonspection que la couronne et le parlement procèdent à cette œuvre. Les enquêtes se multiplient et se prolongent ; lois ou traditions, usages ou abus, les faits anciens se défendent énergiquement : ce n’est qu’après beaucoup d’efforts et avec beaucoup de mesure que la réforme y pénètre, et loin d’attenter, dans les fondations de toute sorte, aux principes de la liberté, le pouvoir central les consacre lui-même par le respect qu’il leur témoigne et les ménagemens qu’il apporte dans son travail de redressement. Le même, esprit règne et vient de se manifester avec éclat, quoique sur une scène plus modeste, en Hollande : de 1853 à 1854, une loi nouvelle sur les établissemens de bienfaisance a été discutée et promulguée ; elle fait de la charité privée, religieuse et libre, le moyen essentiel de soulagement des pauvres, et, redoutant tout système de charité officielle et légale, elle s’applique à écarter bien plutôt qu’à provoquer l’intervention de l’état. Les orateurs même les plus favorables à cette intervention et qui ont combattu la nouvelle loi, comme M. Thorbecke, ont pris grand soin d’expliquer et de limiter leur