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doit encore aujourd’hui son aspect particulier. De là ces îles semées de toutes parts dans l’Archipel, ces nombreux golfes dont les côtes sont bordées, ce sol formant une sorte de réseau comparable à une dentelle dont les fils représenteraient les montagnes, et dont les mailles figureraient les vallées. Jusqu’à cette époque, les directions vers le nord-nord-est avaient dominé ; mais alors le Pentélique, le mont Kératéa, les îles d’Eubée, d’Andros, de Tinos, les montagnes qui séparent le lac Copaïs du golfe de Corinthe, se dirigèrent parallèlement à nos Pyrénées.

On voit que cette explication de la formation du sol hellénique diffère entièrement de la cosmogonie des anciens, qui attribue le désordre géologique de la Grèce à la guerre des géans et des dieux. D’après les traditions mythologiques, les géans lancèrent contre le ciel les monts Pangée, OEta, Rhodope, Athos, et de si grosses pierres que les unes, tombant dans la mer, y formèrent soudain des îles, et les autres, tombant sur terre, constituèrent des montagnes. L’éjection de pierres entraîne l’idée de phénomènes volcaniques, et nulle action volcanique ne semble avoir participé à la formation des parties fondamentales de la Grèce. Les éruptions de Santorin et de quelques autres îles de l’Archipel sont d’une date infiniment plus récente que les soulèvemens généraux du sol hellénique.

Le relèvement qui se produisit en Grèce à l’époque où les Pyrénées surgirent en France s’étendit au loin, et détermina un vaste continent. Il y a lieu de supposer qu’à l’époque où ces événemens se passaient, l’Archipel n’existait pas encore, et que la Grèce était réunie avec l’Asie-Mineure. En effet, on voit dans ces deux pays, près des côtes actuelles de l’Archipel, des couches renfermant les mêmes coquilles d’eau douce pétrifiées ; on retrouve des bancs semblables dans les îles d’Eubée, de Chio et de Samos, situées entre l’Asie et la Grèce. Par là on peut présumer que ces couches furent formées dans des lacs appartenant à un même continent, qui occupait l’espace baigné présentement par l’Archipel. D’ailleurs les terrains placés au bord de cette mer, en Grèce ou sur la côte d’Asie, n’offrent à ma connaissance aucun indice que des eaux marines les aient recouverts pendant la période dont nous parlons : s’il en eût été ainsi, les eaux auraient certainement formé quelques dépôts et laissé des coquilles marines. Il est donc probable que la Grèce et l’Asie constituaient un même continent, et on pourrait nommer ce continent gréco-asiatique.

Les lacs de cette région nourrissaient des poissons et des mollusques dont nous avons trouvé les débris. L’humidité et la chaleur du ciel engendrèrent une végétation puissante ; un grand nombre des plantes qui décoraient le continent fut rassemblé au fond des lacs. Recouvertes par des couches de marne, les unes se sont conservées