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ainsi que sur les rives de l’Eurotas nous avons vu des couches de sable, épaisses de plusieurs mètres, se déposer en un jour à la suite d’une crue torrentielle. Par l’irrégularité de ses assises, le mélange de ses sables fins et de ses couches de cailloux, le dépôt de Pikermi est semblable à ceux que nous venons de décrire. Il ne peut avoir été formé dans les anciens lacs dont nous avons retrouvé les traces dans le voisinage, car les couches déposées dans le fond de ces lacs ont une grande régularité ; selon l’expression reçue en géologie, elles sont nettement stratifiées, c’est-à-dire divisées en strates ou lits régulièrement superposés les uns aux autres.

La période qui s’est écoulée depuis le grand affaissement du continent grec vers le sud a dû être fort longue, à en juger par l’épaisseur des couches qu’elle a vu se déposer. Il se forma des lacs comme pendant la période précédente ; mais plusieurs des animaux qui les peuplèrent semblent avoir été différens. Il est probable que le Péloponèse était complètement réuni à la terre, au lieu de former une presqu’île. L’espace où nous voyons actuellement l’isthme de Corinthe était en partie couvert par un lac, nous en avons la preuve dans les coquilles fossiles que j’ai recueillies ; les rochers qui s’élèvent entre la vallée de Corinthe et celle de Mégare formaient un îlot au milieu du bassin.

Plus tard, le continent grec fut encore abaissé, et le lac dont nous venons de parler fut envahi par les eaux de la mer. La plupart des animaux qui l’habitaient périrent, comme il arrive lorsque l’eau salée se répand dans l’eau douce : des mollusques marins les remplacèrent. Sur les points où l’on voit aujourd’hui la vallée de Mégare, le continent se releva peu de temps après son abaissement ; le lac, qui, un instant troublé par les eaux de la mer, avait vu des coquilles marines succéder à des coquilles d’eau douce, retrouva sa tranquillité : ses premiers habitans reparurent. La mer se répandit encore, à deux ou trois reprises, dans le lac, et, comme la première fois, elle se retira bientôt après son irruption. Les preuves de ces phénomènes se trouvent dans des alternances de petites couches renfermant des fossiles marins et de grandes couches contenant des fossiles d’eau douce.

Les anciens ont eu connaissance des pierres de Mégare, où l’on trouve des coquilles de mer, et ils les ont exploitées. On lit dans Pausanias : « Le tombeau de Car, fils de Phoronée, n’était d’abord qu’un monceau de terre ; mais dans la suite il fut revêtu de pierre coquillère, d’après l’ordre de l’oracle. Cette pierre ne se trouve que dans la Mégaride, et on en fabrique beaucoup d’objets. Elle est très blanche, plus tendre que les autres pierres, et remplie de coquilles de mer. »

Sur les emplacemens où l’on voit aujourd’hui la vallée de Corinthe,