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les choses se sont passées autrement qu’à Mégare. Le phénomène qui abaissa la terre ferme au-dessous des eaux de la mer ne fut pas suivi d’une série de commotions assez fortes pour mettre le niveau des lacs tantôt au-dessous, tantôt au-dessus de la surface de la mer. En effet, à Corinthe, je n’ai pas constaté une alternance de bancs renfermant des coquilles marines et de bancs renfermant des coquilles d’eau douce ; mais au-dessus des couches qui furent formées dans le lac se trouve une succession d’assises puissantes qui contiennent seulement des fossiles marins. Ainsi, pendant une partie des derniers temps géologiques, la mer recouvrit plusieurs contrées de la Grèce. Puisqu’elle a occupé la vallée de Corinthe, on doit admettre que l’isthme de ce nom fut coupé et que le Péloponèse fut une île. Bien que Pausanias dise que la Mégaride est le seul lieu où l’on ait trouvé des coquilles marines, il est impossible que les innombrables fossiles de Corinthe n’aient point frappé les yeux des Grecs ; c’est sans doute d’après la vue de ces fossiles qu’ils arrivèrent, sans connaissances géologiques, à la conviction qu’une partie de l’isthme de Corinthe fut, à une certaine époque, un bras de mer, et que le Péloponèse, avant d’être une presqu’île, fut l’île de Pélops.

Les périodes géologiques furent closes par un phénomène inverse des deux derniers bouleversemens que nous venons de mentionner. Le sol, au lieu de s’abaisser, s’exhaussa légèrement, l’emplacement où se voit aujourd’hui la vallée de Corinthe se releva au-dessus de la mer, et par conséquent le Péloponèse se changea en presqu’île ; mais en général il s’en est de beaucoup fallu que l’exhaussement ait réparé l’effet des abaissemens dont nous avons parlé, et la plus grande partie de l’ancien continent gréco-asiatique est sans doute ensevelie sous les mers.

Telle est l’histoire de l’Attique et des contrées qui en sont voisines, alors que l’homme n’avait point encore paru et que les animaux se disputaient seuls le domaine où plus tard devaient briller tant de génie et tant de gloire.


III

Les événemens des temps géologiques n’ont point été stériles pour l’humanité. Bien que l’homme ait été mis sur terre après tous les autres êtres, destiné à dominer la nature, il fut sans doute présent à la pensée du Créateur dès l’origine des choses. Pour me borner au pays dont je m’occupe aujourd’hui, qu’on me permette d’indiquer comment, dans ma conviction, les accidens géologiques de la Grèce, et principalement de l’Attique, ont réagi sur la politique, sur le caractère des habitans, sur l’agriculture, sur la marine, sur les arts et sur la religion même.