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qu’il avait vues et lui-même éprouvées dans sa jeunesse, et qu’il décrit dans son Histoire de Charles VII avec une vivacité émue et une pitié pour le peuple qui le font aimer ; il découvrit autour de lui et détesta toute sorte d’abus, et crut devoir son travail et sa vie à d’immenses réparations. L’esprit de réforme s’empara de lui. Il fit d’abord, à la demande du roi, un mémoire pour la réhabilitation de Jeanne d’Arc ; puis il en rédigea un autre pour la réforme de la procédure, entreprise alors prématurée et probablement impraticable. Malheureusement à cette époque le dauphin qui devait être Louis XI, impatient de régner et voulant commencer par la Normandie, conçut l’espoir de gagner un homme aussi important que Basin : il lui écrivit pour l’engager dans ses manœuvres, prodiguant les promesses et faisant l’apprentissage de l’art corrupteur qu’il exerça depuis avec plus de succès ; il n’obtint qu’un refus péremptoire. Charles VII en sut néanmoins quelque chose, et Basin, soupçonné lui-même, fut forcé, pour sa propre justification, de livrer au roi les lettres et instructions du dauphin, qui lui en garda une rancune implacable : ce fut le principe des tribulations, des vexations et des exils qui tourmentèrent toute sa vie.

Louis régna, et Basin, tranquille dans sa conscience et ne sachant pas encore à quel homme il avait affaire, se remit de grand cœur à écrire des mémoires sur la misère du peuple et sur la réforme de l’état. Quelque peu ultramontain sous les Anglais, il était devenu gallican avec la France, et il soutint la pragmatique sanction comme un moyen d’enlever les bénéfices de l’église aux étrangers et à l’intrigue, et de les assurer aux hommes d’étude : c’est ainsi qu’alors cette question était posée. Thomas Basin eut en même temps la candeur de solliciter de Louis XI la suppression de l’armée permanente établie par le feu roi, et la réduction des pensions qui dévoraient le revenu public, c’est-à-dire qu’il invitait Louis XI à abdiquer ses deux grands moyens politiques, la force et la « marchandise » des consciences. Il s’adressait mal ; le prince lui répondit par des remerciemens narquois dont le bon évêque ne comprit pas l’ironie. Comme il n’obtenait rien, il s’échauffa, blâma tout, et tomba dans l’opposition systématique, toujours mauvaise parce qu’elle gâte la bonne. La ligue du bien public, qui se formait alors, s’empressa de l’attirer à elle ; elle s’y prit mieux que n’avait fait la praguerie : elle ne lui offrit point d’argent, ni de places, mais des réformes ; elle le fit membre d’une commission qui devait corriger tous les abus. Confiant aux patriotiques promesses des grands, parce qu’il ne soupçonnait pas en eux l’égoïsme qu’il ne sentait pas en lui-même, il ne fut pas étranger aux opérations qui firent passer la Normandie aux mains des rebelles. On sait comment en cette extrémité Louis XI céda tout