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transforme en sucre et en esprit le produit de nos champs, elle féconde ceux-ci par l’irrigation de l’engrais, elle s’apprête à les défoncer, à les labourer et à faire la moisson !

Ici comme dans la manufacture, l’application des esclaves inanimés et obéissans que le génie de l’homme a évoqués pour supprimer à tout jamais la plaie hideuse de l’esclavage fait réaliser une grande économie, et donne des profits considérables. L’industrie agricole exercée sur une grande échelle ne saurait se dispenser de recourir à ce merveilleux agent, qui naturellement favorisera l’agglomération des propriétés partout où la petite culture, comme le petit métier vis-à-vis de la manufacture, ne pourra point lui opposer l’instrument, plus énergique encore, de l’intelligence, ou profiter des facilités du marché[1].

Ajoutez encore la hausse du salaire, générale aujourd’hui, et qui, nous devons l’espérer, ne sera pas un fait purement transitoire. Elle contribuera, avec le manque de bras, à populariser l’emploi des machines agricoles, et par conséquent à augmenter les avantages relatifs de la grande culture.

Par un concours de circonstances aussi remarquable que naturel, quand l’emploi de la puissance mécanique devient de plus en plus nécessaire, le capital indispensable pour lui donner naissance grandit dans une progression rapide. — Qu’on ne s’y trompe point : si le taux de l’intérêt s’est beaucoup élevé partout dans ces derniers temps, ce n’est pas que le monde manque de ressources ; c’est que le capital, rencontrant aujourd’hui un grand nombre d’emplois très productifs, ne se localise plus : il va chercher dans l’univers entier le mode de placement le plus avantageux. Tout grandit à la fois au milieu d’une situation économique florissante, — l’intérêt, la rente et le salaire.

Le capital mobilier augmente ; il fournit donc les moyens de construire les machines, et en même temps il se présente avec plus

  1. Il est des personnes qui trouveront exagérées les espérances que nous fait concevoir le développement de la mécanique agricole. Ce sont des appréciations qu’il est fort difficile de ramener à l’exactitude mathématique ; mais nous devons le faire remarquer, en ce qui touche la division du sol, peu importe que nous ayons raison ou tort sur ce point. Un des argumens favoris de ceux qui combattent la pleine liberté de mouvement dans la constitution de la propriété consiste à présenter un sol morcelé comme un obstacle au plus grand de tous les progrès, à l’emploi des machines, dont on exalte la féconde puissance. Or de deux choses l’une : ou les machines prêteront un concours énergique à la culture, et dans ce cas l’avantage qui résulte de ce concours ne peut manquer de produire le résultat économique que nous signalons dans notre travail, ou bien l’application de la mécanique agricole n’est qu’un rêve ; mais alors que devient la critique dirigée de ce point de vue contre la division de la propriété ? Celle-ci ne pourrait être traitée en coupable que si elle faisait obstacle à un progrès sérieux.