Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/660

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’abondance pour acquérir la machine fondamentale de la production, la terre, partout où cette acquisition peut lui promettre un avantage sérieux.

Aucuns liens n’immobilisent la propriété territoriale, si ce n’est l’impôt de mutation. À chaque moment, cette propriété peut passer librement entre les mains qui lui feront le plus produire ; mais rien n’oblige à diviser les propriétés, la loi se borne à permettre cette division. Elle favorise le mode de constitution du sol le plus flexible, celui qui, à chaque époque, s’approprie le mieux aux besoins généraux.

Si l’équilibre est rompu d’un côté ou de l’autre, le plus sûr intermédiaire pour le rétablir au milieu d’une civilisation avancée, c’est la concurrence. La révolution a enfanté les merveilles des temps modernes en dégageant le sol de toute entrave féodale, en ouvrant à tous également l’accès de la propriété. C’est cette liberté qui porte avec elle, comme la lance d’Achille, le remède aux maux isolés qu’elle peut traîner à sa suite. C’est elle qui est l’agent le plus actif de la justice, comme la source la plus féconde d’une richesse bien répartie ; c’est grâce à elle que la force naturelle qui chasse le mal dans un corps vigoureux, la vis medicatrix, peut se développer. Chacune des formes de la division du sol, — la grande, la moyenne, la petite propriété, — conserve sa raison d’être, et développe mieux ses avantages relatifs à mesure qu’elle accuse son type distinct. Ces trois formes sont destinées non pas à s’anéantir l’une par l’autre, mais à se compléter au moyen d’une division rationnelle du travail agricole qui correspond au mode même de division du sol. L’unité du principe libéral, loin d’entraîner l’uniformité des procédés, les diversifie, à leur grand avantage.

La grande propriété profitera de l’accroissement du capital et de.l’énergique auxiliaire des machines ; elle parviendra à multiplier la masse des denrées, sans exiger plus d’hommes pour les produire, et par conséquent en augmentant la réserve disponible.

La petite propriété cessera de plus en plus d’être la conséquence de l’absence du capital. Elle continuera de féconder le sol, en lui faisant produire le plus, grâce à un labeur rude et intelligent. Ce n’est pas simplement la routine qui la dirigera désormais, c’est l’alliance de plus en plus intime, dans un cercle modeste, de l’expérience et des lumières. Il est de nombreux produits que l’accès facile du marché multiplie, et que la petite culture peut seule créer avec avantage, en défiant tout l’attirail mécanique de la grande propriété, tout comme il est des professions qui résistent victorieusement à l’invasion de la grande manufacture.

Toutefois le résultat le plus favorable à notre sens, ce sera un accroissement d’étendue et de force au profit de la propriété