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D’ailleurs la passion avec laquelle le paysan a épousé la terre présente un élément de force et de sécurité. Nous serions en ce moment plus porté à nous inquiéter de voir cette passion diminuer au contact des séductions qu’exercent les titres des valeurs mobilières, facilement réalisables, — le coupon de rente, l’action de chemins de fer, — et de tant d’autres entreprises, moins solides, qui pénètrent jusque dans nos hameaux. C’est là un entraînement passager que combattra d’une manière efficace l’application féconde de nouvelles forces et de nouveaux procédés à la culture. Les déceptions mêmes qui ont affecté le marché des valeurs mobilières ne peuvent manquer de faire refluer les capitaux vers la terre.

Reprenons la question de la division du sol où nous l’avons laissée quand nous avons entamé la question du crédit. Si les petites cotes se multiplient, c’est en vertu du double contingent que leur fournit d’une part une heureuse accession de ceux qui ne possédaient rien à la propriété, et d’un autre côté le partage. Celui-ci toutefois est loin d’agir avec l’intensité qu’on lui suppose. Il rencontre pour contre-poids l’union conjugale, qui, sous l’empire d’une législation équitable, ne faisant peser d’exclusion sur personne, reconstitue par un accord volontaire ce que l’égalité du partage a divisé ; la faculté d’acquisition, ouverte à tous, et qui facilite l’agglomération libre des parcelles, en faisant passer la terre entre les mains de celui qui saura en tirer le meilleur parti ; enfin l’échange, qui permet d’arrondir les propriétés, et qui produirait des résultats beaucoup plus utiles, si la malheureuse innovation de la loi de 1834 était abolie, et si le droit de mutation n’atteignait point les arrangemens destinés à diminuer l’éparpillement et l’enchevêtrement des parcelles.

Nous sommes loin de nier le mal qui existe sous ce rapport, nous ne voulons pas la dispersion des parcelles ; mais parce que l’état actuel présente quelques inconvéniens auxquels il est facile de remédier sans porter la main sur la loi civile, formule des conquêtes de la révolution, nous nous garderons bien de généraliser des faits particuliers et de sonner le tocsin d’alarme contre la libre division de la propriété.

Le mouvement de morcellement dont on s’effraie, en le constatant surtout pour les cotes au-dessous de 5 francs, devrait être beaucoup plus accéléré en raison de leur nombre. Elles se fractionnent, nous