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continent ont remarqué qu’il existe une sorte d’harmonie grandiose entre les animaux africains et le milieu dans lequel la nature les a placés. L’éléphant est bien, avec sa robe brunâtre, l’habitant qui convient aux épaisses forêts où il a si longtemps erré en paix, et où, seul encore, il trace des sentiers. De loin, la girafe se confond avec les mimosas dont elle broute le feuillage, et cet animal, gauche et disgracieux dans les enceintes étroites où nous le tenons captif, a dans les grandes plaines où il erre en liberté une allure qui n’est dépourvue ni de majesté ni de grandeur. Mais rien n’égale la grâce des antilopes dont des variétés très nombreuses habitent cette région. Chasseurs et voyageurs, tous sont unanimes à vanter ces jolis animaux auxquels la nature semble avoir voulu payer en élégance et en beauté ce qu’elle leur refusait en force, les antilopes, qui errent par milliers dans ces déserts et dans ces plaines, servent de pâture aux léopards, aux hyènes, aux chiens sauvages et à tous les grands carnassiers.

Des animaux qui peuplent l’Afrique, ce ne sont ni les plus grands ni les plus forts qui sont les plus redoutables ; ils fuient devant l’homme et ne deviennent guère dangereux que si en les attaque. Le fléau de toutes les heures, de tous les instans, ce sont ces myriades de moustiques que leur nombre rend inévitables, et qui s’attachent aux mains, au visage, à toutes les parties du corps. Les naturels s’en préservent par la couche de graisse dont ils se couvrent leur cuir épais ; mais c’est là un remède qui ne saurait convenir à des Européens, et il faut subir ce supplice jusqu’à ce que la peau s’y soit à peu près habituée.

Après la saison des pluies, le désert de Kalahari se couvre de quelque végétation, et il n’est jamais entièrement inhabité. Diverses tribus de la famille des Hottentots, les Namaquas, des Damaras, les Bushmen, le parcourent et les Bechuanas, qui semblent participer à la fois des Cafres et des Hottentots, confinent au sud de ce désert par le grand pays de Baroangwato. Les Bushmen étaient les compagnons et les guides du naturaliste suédois. Ces hommes appartiennent à la plus misérable tribu de la triste famille des Hottentots. Entre les Hottentots et les Cafres, il y a la différence du nègre primitif avec celui qui a été en quelque sorte vivifié par le mélange du sang étranger. Les derniers sont plus vigoureux, plus actifs, plus intelligent, plus belliqueux ; ils forment par les belles proportions de leur corps et la beauté relative de leur visage une famille noire exceptionnelle au milieu des nègres qui les environnent, et plusieurs pratiques qui leur sont habituelles, entre autres la circoncision, semblent, aussi bien que leur aspect physique, dénoter une origine en partie étrangère. Quant aux Hottentots, chacun sait qu’ils présentent le type nègre dans toute sa laideur : c’est une race indolente et inoffensive qui, pressée entre les Cafres et les Européens, diminue chaque jour, et qui finira par disparaître ; ils sont doux, bienveillans, paisibles, mais rien ne surpasse leur paresse, leur malpropreté et leur dégradation profonde.

Les Bushmen ou Boschjemans appartiennent à un degré encore inférieur de l’échelle humaine. Leur nom signifie hommes des buissons. Ceux d’entre eux qui n’ont pas encore fui la rive gauche de l’Orange, poussés par les Européens, exterminés par les Cafres, vivent dans la condition la plus abjecte.