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Si, comme il leur arrive fréquemment, la chasse n’a pas été productive, ils passent plusieurs jours sans manger, et supportent sans se plaindre la faim, la soif, la chaleur et le froid. La contrée dans laquelle ils sont plus particulièrement confinés, entre la chaîne de montagnes qui dessine au sud le bassin de l’Orange et ce fleuve, est aride et rocailleuse ; elle n’est arrosée ni par les pluies d’hiver qui fertilisent la colonie du Cap, ni par les averses d’orage qui, chez les Cafres, suppléent à ces pluies périodiques. Les cours d’eau y sont rares, et le gibier s’y trouve en bien moindre abondance que dans aucune des contrées environnantes. Des œufs d’autruches, quelques plantes coriaces, un petit nombre de racines bulbeuses, des lézards, des serpens, des sauterelles et même des fourmis, telles sont les tristes ressources de leur existence. La hutte grossière des autres Hottentots est un luxe pour eux, car ils vivent dans les buissons et logent dans des sortes de nids formés de branches recourbées et couvertes d’une peau de mouton.

Maltraités, chassés comme des bêtes fauves par les colons, les Bushmen se vengent en enlevant leurs troupeaux. C’est pour eux une grande fête, lorsqu’un mouton est tombé entre leurs mains. Quatre ou cinq Bushmen se réunissent autour de cette proie, la dépècent, se la partagent et l’engloutissent sans quitter la place. Repus, ils s’endorment et demeurent couchés jusqu’à ce que la faim les fasse sortir de leur engourdissement ; l’un d’eux se met alors en quête, et s’il a découvert quelque part un berger isolé, il appelle ses compagnons, qui s’avancent en rampant vers ce malheureux, lui cassent la tête d’un coup de pierre et dévastent comme des loups son troupeau. Aussi les fermiers organisent-ils des chasses aux Bushmen aussi bien que des chasses au lion et à la panthère.

Parmi les peuplades voisines du Kalahari, nous avons nommé les Bechuanas. Ces nègres sont de grands et de beaux hommes, dont la physionomie rappelle celle des Cafres. Ils forment une société mieux organisée que celle des Bushmen, mais dans laquelle, comme d’ailleurs chez les sauvages de toutes les parties de la terre, les fatigues et les durs travaux sont réservés aux femmes, tandis que les hommes, hors la chasse, passent leur vie dans l’oisiveté. C’est des Bechuanas que M. Moffat, le missionnaire anglais, raconte le trait suivant. Voyant un jour des femmes travailler à la réparation de l’un des toits coniques, hauts de dix-huit pieds, qui recouvrent leurs cases et se donner un mal extrême dans l’exécution de ce travail, pour lequel elles manquaient d’échelles et de bons outils, M. Moffat fit observer aux hommes, qui regardaient en fumant, sans se déranger, ces ouvrières courageuses, qu’ils seraient bien plus aptes à exécuter ce travail. Les hommes ne daignèrent pas répondre, les femmes qui avaient entendu le missionnaire se prirent à rire aux éclats ; les autres, accourant, partagèrent cette hilarité, et il n’y en eut pas une qui approuvât le langage de l’Européen.

Après avoir traversé le désert de Kalahari, le voyageur suédois se dirigea vers le lac N’gami par une région couverte de broussailles épineuses. Il passa quelques journées à lutter contre les obstacles de ce pays difficile, et arriva enfin au N’gami. La partie ouest du lac, la première qui s’offrit à ses yeux, ne répondit pas à son attente. « Le N’gami, dit-il, est incontestablement une belle nappe d’eau, mais on en a exagéré les dimensions… Ses bords à l’est