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Les Fellatahs, Foulatahs, Peulhs ou Pùlo (cette dernière dénomination est celle qu’adopte M. Baikie) forment une race conquérante qui, à une époque encore récente, a asservi presque tout le Soudan occidental, et dont les bandes armées portent le ravage et la terreur dans les pays qui ne subissent pas encore leur joug. Par leur teint à peine bronzé, leurs traits réguliers, la largeur de leur angle facial, leur intelligence manifeste, ils accusent le mélange du sang caucasique. Ils ont les traits allongés, le front élevé, le nez aquilin, les yeux très expressifs, bleus quelquefois, fait rare et qui ne se retrouve guère en Afrique que chez les Kabyles. L’épaisseur des lèvres est le seul trait qui rappelle leur parenté avec les noirs. Ils sont de grande taille, maigres et peu musculeux. Bien qu’ils aient adopté l’islamisme, leurs femmes ne se couvrent pas le visage. Ils ont des lettrés appelés mallams, qui se reconnaissent à leurs turbans blancs et à un morceau d’étoffe qui leur couvre la bouche. Ils étaient alors la terreur de l’Igbira, pays situé dans l’angle que forment à leur confluent les deux cours d’eau, et venaient de saccager la ville importante de Panda, que Lander a décrite sous le nom de Fundah.

La navigation dans le Binue, objet principal de l’expédition, conduisit d’abord les Anglais à la bourgade d’Hatscho. La rivière se déployait devant eux dans un lit magnifique, entre des collines verdoyantes. À Hatscho, de fâcheux dfssentimens éclatèrent entre le chef scientifique de l’expédition et son commandant maritime. Ce dernier officier, M. Taylor, semble avoir eu le tort de pousser la prudence jusqu’à la timidité. Tandis que M. Baikie regardait comme possible et nécessaire d’aller en avant, M. Taylor déclarait qu’on ne pouvait se risquer plus loin sur une rivière qui se transformait, disait-il, en un lac infranchissable. Le différend, porté devant les officiers, fut tranché à l’avantage de M. Baikie, et M. Taylor s’étant dès-lors retiré dans sa chambre, le chef scientifique de l’expédition disposa du commandement militaire en faveur de M. Marcus, second de M. Taylor. Il était temps en effet qu’une autorité vigoureuse intervînt dans la conduite de la campagne. « Depuis trente-six jours, dit M. Baikie, nous étions dans la rivière, et nous n’avions pas atteint encore Dagbo, point où Allen et Oldfield étaient parvenus vingt et un ans auparavant. Des lenteurs inutiles se renouvelaient chaque jour au milieu des disputes continuelles du commandant et de ses officiers. La saison avançait rapidement. Faute d’une mesure décisive, on risquait d’échouer… »

À partir de ce moment, les travaux de l’expédition se poursuivirent avec une activité nouvelle. Jusqu’ici, on s’était arrêté le dimanche ; on ne fit plus qu’une courte halte pour célébrer l’office divin. Enfin on atteignit Dagbo, qui est la première ville du territoire de Doma ; puis on arriva à Akpoko, qui n’avait jamais vu de blancs. Le lit du Binue est, à ce qu’il paraît, souvent bouleversé par des tourbillons de vent qui sont un phénomène tout local et suivent le cours de la rivière. Un jour, M. Baikie put constater que tandis qu’un de ces ouragans sévissait sur le fleuve, à une distance de quinze milles il tombait seulement une pluie fine et légère.

Une longue halte à Ojogo, jolie petite ville située à la pointe d’une île du Binue, fut motivée par le désir qu’avait M. Baikie de recueillir des renseignemens