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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 juillet 1857.

Au milieu de tous les problèmes qui se débattent aujourd’hui, il en est un qui domine tous les autres : c’est la propagation incessante de la civilisation occidentale. Cette civilisations sans doute ses faiblesses et ses crises terribles, mais en même temps elle marche ; elle ne cesse de s’étendre par le prosélytisme moral, ou par la force des armes là où l’ascendant moral ne suffit pas. La politique ne se résume donc plus seulement dans ces mille petites questions dont la solution est une œuvre de patience ou de stratégie diplomatique ; elle embrasse tout ce qui s’agite dans le monde, les conquêtes qui s’accomplissent au loin et les luttes qui en découlent, luttes qui mettent aux prises des mœurs, des religions, des génies opposés. Il y aurait au moment présent, pour tous les peuples qui ont entrepris d’étendre leur domination au-delà de leurs frontières naturelles, il y aurait une histoire dont les élémens sont tout trouvés, et qu’on pourrait écrire tous les jours, en quelque sorte sous la dictée des événemens. Elle aurait pour titre : « Comment se conquièrent les empires et comment les conserve-t-on ? Comment aussi la conservation d’une conquête peut-elle être ébranlée ou menacée, ne fût-ce que d’une façon éphémère ? » L’insurrection de l’Inde serait aujourd’hui l’épisode inquiétant de cette histoire, la dernière conquête de la Kabylie en serait l’épisode le plus heureux : non qu’il y ait une analogie complète et que les conditions soient les mêmes ; mais des deux côtés il y a une conquête, un travail permanent d’assimilation, que mille causes peuvent affaiblir ou compromettre temporairement. L’insurrection de l’Inde est devenue en peu de jours la grande, l’unique préoccupation de l’Angleterre ; elle a rejeté dans l’ombre toutes les autres affaires. Il y a quelque temps, on en parlait comme d’un événement qui était plutôt favorable que malheureux, parce qu’il devait éclairer le gouvernement britannique et le contraindre adonner un caractère plus inébranlable à sa domination. Ces jours derniers, lord John Russell en parlait comme d’une calamité qui « devait remplir l’âme