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pleine capacité politique est reconnue ; comment la justifient-ils, et à quels signes reconnaître les progrès obtenus par la loi contre tous les abus auxquels l’élection donnait lieu ? Enfin n’y a-t-il pas des projets de changemens qui s’annoncent, et quelle en sera la portée ? Ce sont là des questions qui ont besoin d’être approfondies avant d’être résolues : elles ne touchent pas à des intérêts qui soient restreints à l’Angleterre ; elles ont droit à l’attention publique par les utiles enseignemens qui peuvent y être renfermés. On est trop tenté de croire de nos jours que le royaume insulaire est une planète séparée de toutes les autres, dont les habitans, toto divisos orbe Britannos, ont reçu en naissant une nature privilégiée, et l’on oublie que, loin de la recevoir, ils se la sont lentement faite à eux-mêmes. L’étude de la législation électorale contribue à donner un démenti à cette commode doctrine, inventée par ceux qui veulent se donner le plaisir d’admirer de beaux exemples, en s’imaginant qu’ils étaient dispensés de les suivre et qu’ils ne seront jamais tenus de les imiter. Elle nous montre sans doute combien il est avantageux à la liberté d’avoir jeté depuis longtemps de fortes racines qui en assurent toute la croissance ; mais elle nous enseigne aussi comment un grand gouvernement, aidé par un grand peuple, sait se servir du passé pour rendre le présent meilleur et préparer le progrès de l’avenir. Elle nous fait suivre ainsi comme un cours d’éducation politique, où l’on peut apprendre que les institutions profitent à ne pas rester toujours immobiles, et que les changemens gagnent à n’être jamais révolutionnaires. C’est en se plaçant à ce point de vue qu’il importe de reconnaître comment la constitution électorale de l’Angleterre s’est fondée, s’est développée et s’est soutenue, quelles garanties successives en rendent l’usage chaque jour meilleur, et quels complémens désirables elle peut encore recevoir.


I

Le système électoral de la Grande-Bretagne, dans sa constitution organique, remonte au XIIIe siècle. C’est à partir de cette époque qu’on peut suivre le mouvement continu et presque ininterrompu d’un peuple qui, sous la garde d’une royauté héréditaire, a pris à ses affaires une part de plus en plus active par le choix régulier de ses députés. Cette intervention du pays dans son gouvernement a été pour la nation comme un patrimoine transmis fidèlement d’âge en âge, et dont les aïeux ont du rendre compte à leurs descendans. Pour la liberté comme pour le pouvoir, c’est beaucoup de ne pas dater d’hier ; les institutions ne se passent pas plus aisément, que les dynasties de traditions. La constitution de l’Angleterre a ce qui