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manquait à un souverain tout puissant quand il disait dans les jours de sa grande fortune : « Je voudrais être mon petit-fils. » Elle peut montrer ses parchemins, et sa force lui vient de sa durée.

Le pouvoir électoral, dès l’origine, a été constitué sur des fondemens qui ont dû être raffermis et restaurés, mais qui n’ont jamais été renversés ; il a été mis à la disposition des différentes classes du pays, de la classe des propriétaires des campagnes et de la classe des habitans des villes, et avant d’être étendu aux deux universités d’Angleterre, il s’est établi, à la fois dans les comtés et dans les bourgs, qui représentaient deux sociétés différentes dont les intérêts ne pouvaient être confondus. Dans les comtés, qui étaient des circonscriptions territoriales de même nature, reconnues par la loi politique du pays, il a pris naissance et il s’est développé sous l’empire de principes communs, et il a été attribué d’abord sans aucune condition de revenu, ensuite sous certaines réserves, aux propriétaires qui avaient un titre féodal de pleine propriété, c’est-à-dire aux francs-tenanciers. Dans les bourgs, le droit électoral a dû son origine à des causes de toutes sortes, différentes de ville à ville : c’est tantôt leur importance, tantôt la faveur de chartes privilégiées, tantôt enfin le hasard des circonstances qui a fait reconnaître aux bourgs leurs droits de représentation, inégalement répartis entre eux, et dont l’exercice a toujours été soumis à la variété des statuts locaux. Toutefois, dans les bourgs comme dans les comtés, le pouvoir électoral n’a été qu’un pouvoir ajouté et rattaché à d’autres pouvoirs déjà existans ; nulle part il ne s’est établi comme un pouvoir spécial, isolé, étranger aux habitudes de la vie politique du pays. Ainsi les francs-tenanciers se réunissaient dans les cours des comtés pour rendre la justice et traiter ensemble de leurs intérêts communs : ce sont les cours des comtés qui ont été chargées de nommer des députés. Dans les bourgs, les citoyens, quand ils avaient le droit de se gouverner eux-mêmes, choisissaient leurs magistrats, réglaient les affaires de la communauté, dont la gestion était souvent concentrée dans le conseil de la ville : le droit d’élection se confondit avec les droits municipaux, et il s’exerça aux mêmes conditions, sans être jamais ramené à un système d’unité. Partout les électeurs avaient été groupés suivant leurs relations habituelles ; c’est à ce prix seulement, comme le disait M. Guizot dans ses belles leçons sur les Origines du gouvernement représentatif, que des assemblées électorales peuvent faire ce qu’elles veulent et savoir ce qu’elles font.

Comment ne pas reconnaître le parti qu’on aurait pu également tirer, dans l’ancienne France, des institutions représentatives, si le développement de la liberté politique, quelque insuffisant qu’il fût, avait été résolument poursuivi par les classes élevées du pays, au