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impériale fut transportée à Ravenne, dans le nord de l’Italie, près des frontières de la Gaule, toujours menacée, quelquefois à Autun, à Trêves, aux confins de la Germanie. Il semble que l’empire se met en marche pour aller au-devant des Barbares : il veut les surveiller de plus près ; mais encore quelques années, et il aura passé dans leur camp, il sera de fait aux mains d’Odoacre et de Théodoric ; encore quelques siècles, et son nom sera l’héritage des descendans de ces Francs qu’on immole dans l’amphithéâtre de Trêves. Ces nouveaux centres de l’empire, Trêves, Milan, Ravenne, se couvrent de monumens ; on n’en construit plus guère à Rome.

Cependant ces empereurs, qui lui sont devenus comme étrangers, ne l’oublient pas entièrement. Un arc de triomphe s’éleva dans le Champ-de-Mars, dédié à Gratien, Valentinien II et Théodose, et peut-être encore un le dernier, à Honorius. Ce qui est plus sûr, Honorius répara le mur d’Aurélien ; il est difficile de déterminer ce qu’a fait Honorius à travers les flatteries de Claudien. Claudien parle de murailles nouvelles, de tours soudainement élevées, et des sept monts entourés d’une enceinte continue. Ceux qui, comme Nibby, croient à un mur embrassant un espace de cinquante milles construit par Aurélien, puis détruit et remplacé par le mur moins étendu d’Honorius[1], voient dans les vers de Claudien la preuve qu’Honorius a réellement bâti le mur qui existe encore ; mais les flatteries de Claudien expriment seulement, je pense, ce fait, que le mur réparé par Honorius embrassait les sept collines. Une inscription en l’honneur d’Arcadius et d’Honorius ne parle que des murs restaurés, restauratos urbis œternœ muros. Je crois plus aux termes de l’inscription qu’aux vers d’un poète courtisan. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’Honorius vint à Rome animer par sa présence les travaux qu’il avait fait entreprendre. Cette restauration des murs de Rome porte l’empreinte d’une grande précipitation, ce qui s’explique facilement, car les Goths approchaient, et, comme le dit énergiquement Claudien, qui, pour célébrer la magnificence de l’ouvrage, oublie un moment d’en flatter les auteurs, la peur fut l’artisan de sa beauté.

Profecitque opifex decori timor.
  1. Je ne partage point cette opinion, qui s’appuie sur un passage de Vopiscus, dans lequel il est dit que le mur d’Aurélien avait cinquante milles de circonférence, tandis que l’enceinte qui subsiste encore n’en a guère plus de treize. Ce chiffre est de toute invraisemblance, et je le crois inexact ou altéré ; mais je dois dire qu’un des argumens qu’on oppose à l’opinion de Nibby n’est pas sans réplique. Comment, dit-on, un mur en briques de cinquante milles élevé par Aurélien n’aurait-il point laissé de traces ? A cela on pourrait répondre : En Égypte, Thèbes avait une enceinte au moins aussi considérable ; cependant je ne sache pas qu’on ait trouvé une brique de l’enceinte de Thèbes.