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C’est la peur en effet qui a travaillé à la construction et à la réparation de ces murs, la peur, devenue, grâce à l’empire, l’inspiratrice du peuple romain !

Bien qu’absens de Rome, les empereurs ne voulaient pas la laisser s’écrouler et tomber tout à fait. Gratien rebâtit le pont Cestius, et lui donna son nom. Plusieurs préfets de Rome s’appliquèrent à la réparation des monumens ; l’un d’eux, Praetextatus, avait entrepris de relever tous les temples ; un autre, nommé Claudius, restaura plusieurs édifices, et parmi eux un portique près des thermes d’Agrippa. Les portiques étaient des lieux de promenade et de flânerie chers au peuple romain. Un troisième, Petronius Quadratianus, rendit aux thermes de Constantin leur antique splendeur, comme nous l’apprend une inscription, en ajoutant une grosse somme au peu d’argent que la municipalité pouvait lui accorder à cause de la difficulté des temps.

Les réparations elles-mêmes étaient une preuve de décadence et un témoignage de barbarie. La plus remarquable en ce genre est celle du temple de Saturne, dont huit colonnes sont encore debout. La première origine de ce temple remonte au temps des rois. Le trésor de l’état était là, placé sous la protection du dieu, ce qui n’empêcha pas César, qui avait besoin d’argent et peu de scrupules, de violer le temple et de voler le trésor. Rien, bien entendu, n’est resté de l’édifice primitif. Ce qui subsiste offre un curieux pêle-mêle de parties datant d’époques très diverses. Dans la frise est un morceau du meilleur temps ; les chapiteaux, la corniche, le fronton, sont d’une époque de mauvais goût. Parmi les bases, les unes sont ioniques et les autres corinthiennes ; les colonnes, de dimensions différentes, proviennent vraisemblablement de différens édifices. Les tronçons dont plusieurs d’elles se composent ne paraissent pas toujours avoir appartenu originairement à la même colonne ; un fragment d’inscription apprend que le monument détruit par le feu a été reconstruit : on le verrait bien, même sans l’inscription. Évidemment, à une date qu’on ignore, mais qui ne saurait être bien ancienne, on a réparé ou plutôt refait grossièrement le temple de Saturne, en mêlant quelques débris de la construction antérieure à des matériaux pris là où on les trouvait. C’est déjà le procédé du moyen âge. Ce temple, ainsi recomposé sans art, n’en est pas moins ou plutôt il est par cela même un des restes de l’antiquité les plus curieux et les plus historiques ; le vieux temple qu’il a remplacé rappelait le souvenir de la Rome des rois et un souvenir encore plus ancien qui se rapporte aux temps héroïques de la Grèce, car on disait que les os d’Oreste avaient été transportés d’Aricie à Rome et déposés dans le temple de Saturne. Quelques-uns de ces débris grossièrement rapprochés