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soumission ; il inspire, même dans les relations privées, cette politesse extrême que tous les voyageurs ont observée, et qui n’est, à vrai dire, qu’une sorte de politesse légale, dont les termes et jusqu’aux moindres gestes sont dictés et mesurés par le code. Parmi tant de lois siamoises qui fixent le rang et la condition des personnes, le règlement sur l’esclavage est assurément l’un des plus curieux à étudier. On distingue plusieurs catégories d’esclaves : les prisonniers de guerre, les esclaves achetés, les esclaves de naissance. Les prisonniers de guerre sont la propriété des deux rois, qui les incorporent généralement dans l’armée. On évaluait leur nombre, en 1855, à près de 50,000 (habitans de Laos ou du Pégu, Cochinchinois, Birmans et Malais). En leur qualité de gens du roi, les prisonniers de guerre s’attribuent une grande supériorité sur les autres esclaves. Les esclaves achetés forment la classe la plus nombreuse : ce sont, ou des enfans qui ont été vendus par leurs parens, ou des adultes qui se sont vendus eux-mêmes. Les prix ordinaires sont de 80 à 120 ticaux (280 à 420 francs) pour les hommes, et de 60 à 100 ticaux (200 à 300 francs) pour les femmes. La majeure partie des esclaves se compose de débiteurs qui se mettent en condition chez leurs créanciers jusqu’à ce qu’ils soient en mesure d’acquitter leur dette. Leurs services représentent l’intérêt du capital, et comme à Siam l’intérêt de l’argent est de 30 pour 100 par an, il y a beaucoup d’individus qui préfèrent aliéner momentanément leur liberté plutôt que d’acquitter un impôt aussi lourd. Lorsqu’ils ne sont pas satisfaits de leur maître, ils en cherchent un autre qui consente à rembourser au premier le capital de leur dette, et qui les prenne à son service. L’esclavage se trouve ainsi tempéré par le droit réservé à l’esclave de changer de maître. Enfin les esclaves à Siam sont traités avec une grande douceur ; ce sont les familiers, les cliens de la maison. Les mœurs, ainsi que la loi, les protègent contre toute rigueur inutile.

Le règlement sur l’esclavage remonte à près d’un siècle. Les principales lois et les coutumes en vigueur à Siam ne sont pas moins anciennes. Mgr Pallegoix a tenté d’écrire, à l’aide des annales indigènes, un résumé de l’histoire siamoise ; mais il n’a recueilli que des documens très confus. On a peine à se reconnaître au milieu des récits fabuleux qui précèdent la fondation de la capitale, Ayuthia, en 1350 de l’ère chrétienne. L’histoire moderne elle-même n’est pas beaucoup plus claire : ce ne sont que révolutions de palais, luttes intestines ou guerres terribles soutenues contre les habitans du Laos, les Birmans, et surtout contre le Pégu. En 1543, le roi de Pégu vint attaquer les Siamois à la tête de 300,000 hommes et de 700 éléphans. En 1547, il revint mettre le siège devant Ayuthia avec une armée de 900,000 hommes, 7,000 éléphans et 15,000 chevaux. Il était jaloux