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dans cette espérance de dignité nationale, qu’il était réservé aux événemens de 1848 de faire reculer après trente-quatre ans de progrès.

Mais il n’en reste pas moins vrai que le retour des Bourbons entre ces deux opinions qu’il appelait à se produire à la fois pouvait être ou la restauration du régime du passé ou la fondation du régime de l’avenir. L’événement avait deux faces ; deux partis pouvaient s’en disputer les fruits. C’est là cette duplicité de principes dont je parlais ; c’est là cette coïncidence des opposés, dont Bruno voulait faire la grande question de la philosophie, et qui est une loi de l’histoire et le problème de la politique. Ils sont rares aujourd’hui, je l’espère, ceux qui contesteraient encore qu’à l’époque qui nous occupe, la solution de la sagesse, la solution nécessaire, l’unique solution possible, ce fût la transaction.

Honneur à ceux qui l’écrivirent dans la charte constitutionnelle ! honneur à ceux-là, quels qu’ils soient ! Et nous ne tenons pas ce langage pour dérober sa part d’honneur à celui qui a plus d’une fois aimé à se nommer l’auteur de la charte. Qu’elle soit encore son plus beau titre aux yeux de la postérité. Les contemporains, dans de véridiques mémoires, diminueront peut-être, diminueront certainement le rôle historique du premier roi de la restauration : son caractère et son esprit ont pu n’égaler ni son œuvre ni sa fortune ; mais il a eu la sagesse suffisante, puisqu’il n’a compromis ni sa renommée ni son ouvrage, puisqu’il est mort sur le trône en laissant à son successeur la triste destinée de recommander sa mémoire en perdant son ouvrage. Louis XVIII est certainement de ces hommes que flatte l’histoire, et de ces rois qu’on admire, parce qu’ils ont su être heureux, car il fut heureux sans doute ; mais il sut l’être, et ce mérite-là n’est pas encore si commun.

Mais il n’eut guère que le nécessaire de la sagesse, et rien de ce qui est donné par surcroît. Une charte d’ailleurs n’est que la loi écrite, c’est la lettre qu’il faut que l’esprit vivifie. Et, le roi trouvé, la charte faite, il restait encore à savoir quel esprit animerait le tout. Le problème indiqué ci-dessus restait à résoudre. Quelle était la raison d’être, quel était le vrai caractère de la restauration ? Dans quelle mesure devait-elle faire leur part respective aux diverses forces et aux principes divers qu’elle appelait à se manifester ?


II.


Des hommes à qui cette tâche redoutable est échue, les uns sont morts, les autres, en petit nombre, sont encore au milieu de nous. Il me semble qu’en général les histoires qu’on a essayées de la restauration les ont mal connus, et qu’il n’a été rendu justice à personne. Ceux-là surtout qui, libres de tout sentiment vindicatif, de